Au Kenya, le bilan est lourd suite à la rupture du barrage privé Patel mercredi soir 9 mai, laissant se déverser des eaux boueuses. Il est situé dans le commune de Solai, près de la ville de Nakuru, à quelque 200 km environ au nord-ouest de Nairobi. Les services gouvernementaux font état d’au moins 41 morts. Les dégâts sont très lourds. D’après une estimation de la Croix-Rouge kényane, quelque 500 familles ont été affectées par la catastrophe.
Le balai des hélicos est continuel au-dessus de l’immense coulée de boue qui a tout emporté sur son passage, sur près de 10 km. Sur place, il y avait de nombreuses maisons, des potagers, des poteaux électriques, des véhicules, des animaux… Tout a été balayé. Il ne reste à l’heure actuelle que les fondations de maisons, des débris et de la boue, qui continue de couler. Cause directe du désastre : la rupture du barrage de Patel, situé sur la colline voisine.
Les habitants qui en ont réchappé sont souvent choqués. Comme Rachel Wanjiru, une habitante. Elle raconte à RFI avoir entendu un grand bruit mercredi soir. Elle est sortie et a vu l’eau arriver. « Il y a eu comme un bruit d’explosion. Puis j’ai entendu mes neveux et nièces crier dans la maison voisine. On a tenté d’aller les aider, mais leur maison a été emportée par un mur d’eau. Leurs corps ont été retrouvés en contrebas. Je ne peux pas exprimer comment je me sens. C’est la première fois qu’une chose pareille arrive », raconte-t-elle choquée. Elle-même a juste eu le temps de s’enfuir avec ses enfants.
Une autre Kényane a indiqué avoir signalé la disparition de cinq voisins et demande une enquête. « Je venais de rentrer à la maison. Soudain j’ai entendu un grand bruit d’eau. Comme un torrent qui gronde et qui arrive droit sur nous. J’ai appelé ma famille et on a tous fui. On ne savait pas que le barrage avait cédé. On est parti à cause de ce bruit très effrayant. Je suis revenue dix minutes plus tard. Ma maison avait disparu. J’avais des champs de maïs. Tout a été détruit. J’ai tout perdu. Voir mon village détruit, ça me fait mal. J’ai signalé des personnes disparues. Cinq amis. Ils ont tous été retrouvés morts. Et je m’inquiète parce qu’il y a deux autres barrages en haut de la colline. Ça me fait très peur. Je pense que c’est encore risqué d’être ici. Il faut une enquête pour savoir pourquoi tout cela est arrivé. »
Le barrage de Patel alimente en eau les fermes horticoles avoisinantes. La digue a probablement cédé à cause des fortes pluies et des inondations record. Du jamais vu depuis 1999 et le phénomène El Niño, a dit la Croix-Rouge.
Soutien psychologique
Lucia Wangari vivait là depuis dix ans. Elle aussi a entendu un bruit venant de la colline. « Des gens ont commencé à crier. On est sortis et on s’est enfuis. Je suis revenue ce matin à 6h. Il y avait plein de maisons ici. Elles ont toutes disparu.
Tous ces gens qui sont morts étaient mes amis. »
Plus loin, la petite église de Solaï tient encore debout alors qu’autour d’elle, maisons, véhicules, arbres, habitants ont été emportés. A l’intérieur, les sinistrés comme Kadre Womboï sont pris en charge par les secouristes. « J’ai vu arriver beaucoup d’eau, avec de la boue et des rochers. Les enfants du voisin se sont faits emporter. Ma maison aussi a été détruite. J’ai donné les noms de disparus. Wajibo, Anastasia, Rééma, Mama Bév, Baba Chiro, c’était tous mes voisins. Et ils sont tous à la morgue maintenant. »
Le gouvernement, le comté, l’armée et des agences humanitaires comme la Croix-Rouge ont déployé d’importants moyens. Cette dernière a mis en place un soutien psychologique. « C’est un grand choc pour cette communauté, déplore Nicholas Kimboï, directeur régional. On les accompagne pour qu’ils surmontent le traumatisme. Mais les gens s’entraident. Nous espérons qu’ils accepteront d’avoir perdu leurs proches, et qu’ils réussiront à avancer notamment ceux qui ont perdu leurs champs ou leurs maisons. » La Croix-Rouge a enregistré les noms des disparus, et en fin de journée, des équipes continuaient à sonder la coulée de boue.
Alors qu’une quarantaine de blessés ont été pris en charge dans les hôpitaux de la région, des distributions d’eau, de vivres ou encore de couvertures ont été organisées pour les sinistrés restés à Solaï. Ces familles devaient pour beaucoup dormir sur place dans des abris temporaires. Le regard inquiet tourné vers la colline où s’élèvent deux autres barrages.