Le retrait du diplôme du baccalauréat est un véritable cauchemar pour certains étudiants. Depuis des années, ils attendent qu’on leur délivre leur sésame.
Au «Service Diplôme» de l’Office du Bac, situé entre l’Ucad II et le département d’Odontologie, on se croirait dans une foire de paperasse. Les diplômes déjà confectionnés sont visibles partout : sur les tables, dans les boîtes à archives et dans les rayons. Six agents de l’Office du bac, de plain-pied dans le travail, se chargent de les classer par année d’obtention et par ordre alphabétique. Un homme, en blouse bleue, range des piles de documents. À côté de lui, une dame voilée, trie, avec ses mains expertes, des diplômes fraîchement réceptionnés.
Mme Fall, Diabou Sarr à l’état civil, est la responsable dudit service. Elle a l’air débordée. À chaque fois qu’un impétrant se présente, elle fait la recherche de son diplôme, procède à la vérification d’identité avant de délivrer le sésame. Une gymnastique qui démarre à 8h30 et, parfois, se termine tard dans la soirée. «On travaille sans arrêt. Du lundi au jeudi, nous délivrons, chaque jour, en moyenne, 200 diplômes», renseigne-t-elle.
Elle défait son foulard, le refait à la minute et poursuit ses explications. Elle indique que le travail n’est pas aisé. Il est fastidieux, fatigant et demande beaucoup de concentration. «Après la production des diplômes, nous les vérifions avant de les mettre dans des paquets de trente. Ces derniers sont rangés dans des malles qui prennent, chacune, 100 bordereaux. Elles sont par la suite acheminées au Rectorat pour la signature du recteur», explique-t-elle. Elle ajoute que plusieurs vérifications sont faites avant de délivrer le diplôme pour éviter des erreurs. «Nous vérifions un à un les diplômes.
La Direction des affaires juridiques de l’université vérifie avant et après la signature du Recteur. Tout doit être en règle avant de remettre le diplôme», explique-t-elle. De l’avis de Mme Fall, les lenteurs qui étaient notées dans la confection des diplômes ne sont plus à l’ordre du jour. Elles ont été résolues. «Il n’y a plus de demandes de retrait en instance. Elles ont, toutes, été prises en compte. C’est seulement leur signature qui fait défaut, et le Recteur fait des efforts considérables à ce niveau.
Tout ce que vous voyez ici, ce sont des diplômes qui sont prêts. Mais leurs propriétaires ne viennent pas les récupérer», souligne-t-elle, non sans indiquer que ce que les gens racontent est l’opposé de ce qu’ils font.
Soulagement de recevoir son diplôme
L’endroit est animé. Les va-et-vient des étudiants sont incessants. Ils sont plus d’une centaine sur place. Les uns sont venus chercher une attestation spéciale, les autres sont présents pour récupérer leur diplôme. Ces derniers se sont massés devant la porte du «Service Diplôme». Munis de leurs pièces d’identité, d’aucuns sont debout dans le rang, tandis que d’autres sont assis sur les bancs. Ils attendent leur tour.
Après une trentaine de minutes d’attente, Fatoumata Sané accède à l’intérieur et en ressort une dizaine de minutes plus tard, son diplôme entre les mains. Elle a le visage heureux. «Enfin», se soulage-t-elle avec un brin de sourire. Basée au Fouta où elle sert en tant que comptable, elle a reçu notification de la disponibilité de son diplôme, il y a deux mois, alors qu’elle avait fait la demande en 2014.
À l’époque, elle était en deuxième année au département de Lettres modernes (Lm) à la Flsh. «C’est un plaisir de recevoir son diplôme. Je vais en faire plusieurs copies légalisées que je vais soigneusement garder pour les concours. J’ai raté deux concours, parce que je n’avais pas mon diplôme encore moins une attestation spéciale. J’étais dans le Fouta et ceux à qui j’avais chargé de m’en trouver n’avaient pas de temps. Désormais, je n’aurais plus de problème pour déposer à un concours ou un poste de travail», se réjouit-elle.
La difficulté de disposer du précieux sésame
Auparavant, au campus social où nous sommes rendus, des étudiants sont assis sur les banquettes faisant face au pavillon D du campus social de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad). Ousmane Ka et Sidy Diop, en master 2, respectivement à la Faculté des lettres et sciences humaines (Flsh) et à la Faculté des sciences juridiques et politiques (Fsjp) discutent sur les violences au sein du temple du savoir. Ces deux amis ont un dénominateur en commun : ils peinent tous les deux à récupérer leur diplôme du bac.
Le bac en poche en 2011, ils ont, deux ans plus tard, fait la demande de retrait de leur diplôme. Hélas, ils prennent toujours leur mal en patience. Le sésame n’est pas encore prêt. «À chaque fois que je vérifie sur la plateforme de l’Office du bac, on me dit que le diplôme n’est pas encore disponible», dit Ousmane Ka. La même réponse est servie à Sidy Diop. Cela fait 8 hivernages qu’ils s’impatientent.
À l’instar de ces deux étudiants, nombreux sont ceux qui ont eu leur bac depuis des années, mais qui n’arrivent pas à entrer en possession de leur diplôme. Une situation qui, parfois, n’est pas exempt de préjudice.
À défaut de disposer du diplôme, il faut pour participer aux concours, une attestation spéciale, moyennant un montant. «J’ai eu à payer 3000 FCfa pour avoir des attestations spéciales, parce que je devais faire les concours de la Police, de la Gendarmerie et le Greffe. Si mon diplôme m’avait été remis à temps, je ne dépenserais pas autant d’argent», regrette le juriste en herbe. Son ami Ousmane Ka de renchérir : «Je me demande parfois si l’Office du bac ne retarde pas la confection des diplômes pour gagner plus de sous sur les attestations spéciales».