Le Conseil de sécurité de l’ONU s’est réuni samedi sur la situation au Venezuela. Réclamée par les Etats-Unis, cette réunion n’a pas permis d’adopter de déclaration commune pour reconnaître le président de l’Assemblée nationale Juan Guaido comme président du Venezuela. Washington, qui fait pression sur ses alliés pour soutenir la transition démocratique à Caracas, s’est heurté à une très forte opposition de plusieurs membres du Conseil de sécurité. La réunion s’est déroulée dans une atmosphère extrêmement tendue.
La réunion du Conseil de sécurité a d’ailleurs démarré par un vote de procédure réclamé par Moscou pour tenter d’empêcher la tenue de cette réunion au prétexte que la situation au Venezuela ne présente pas un risque à la paix et la sécurité dans le monde.
Faute de votes suffisants, elle a pu tout de même se tenir, mais dans une ambiance extrêmement tendue avec un affrontement très direct entre les Etats-Unis et la Russie, rapporte notre correspondante à New York, Marie Bourreau.
Mike Pompeo, le secrétaire d’Etat américain a mis en avant la situation humanitaire dramatique du pays. Trois millions de Vénézuéliens ont déjà fui le pays. L’ancien président Maduro, a-t-il appuyé, a réduit sa population à fouiller dans les poubelles avant de lancer à ses alliés : « Il est maintenant temps que chaque nation choisisse son camp : il n’est plus question de retard ou de tactique de diversion. Ou vous êtes du côté des forces de la liberté ou vous êtes du côté de Maduro et de son chaos ».
Les Etats-Unis ont toutefois échoué à obtenir une déclaration commune du Conseil de sécurité pour soutenir le président autoproclamé Juan Guaido face à l’opposition de la Russie et de la Chine notamment.
La Russie et la Chine ont dénoncé l’ingérence des Etats-Unis dans ce qu’ils considèrent être une affaire interne au Venezuela. L’ambassadeur russe Vassily Nebienza a même évoqué « les jeux sales des Etats-Unis ». C’est une « tentative de coup d’Etat », at-il dit, et de changement de régime, mettant en garde contre une intervention militaire.
Caracas, par le voix de son ministre des Affaires étrangères a affirmé en détenir la preuve d’une tentative de coup d’Etat. « Les Etats-Unis ne sont pas derrière le coup d’Etat. Ils sont devant. A l’avant-garde même. Ils donnent des ordres non seulement à l’opposition vénézuélienne mais aussi aux gouvernements satellites des Etats-Unis dans la région ; en Europe et d’autres pays du monde », a déclaré le chef de la diplomatie vénézuélienne, Jorge Arreaza.
Le Venezuela rejette l’ultimatum des Européens à convoquer des élections
Les Etats européens ont donné 8 jours au gouvernement vénézuélien pour organiser de nouvelles élections. Le chef de la diplomatie vénézuélienne a fait le déplacement à New York. Il était sur la défensive. D’où l’Europe tire-t-elle l’idée qu’elle peut imposer des élections au Venezuela, a-t-il réagi.
« Personne ne va nous donner des délais ni nous dire si des élections doivent être convoquées ou non », a lancé le ministre vénézuélien des Affaires étrangères, Jorge Arreaza. « Qui êtes-vous pour donner un ultimatum à un gouvernement souverain? ». « C’est de l’ingérence, infantile », a-t-il ajouté. « Emmanuel Macron ferait mieux de s’occuper de la crise des « gilets jaunes » au lieu de s’occuper de nos affaires », a-t-il encore dit.
« C’est une immense responsabilité de reconnaître des gouvernements non constitutionnels. Nous appelons l’Europe à la réflexion, au respect de la Constitution et à la souveraineté du Venezuela », a encore souligné le chef de la diplomatie vénézuélienne.
Des positions très arrêtées et très clivées qui n’ont donc pas permis d’espérer une résolution de la crise sous l’égide du Conseil de sécurité. Caracas semble prête au bras de fer. Son chef de la diplomatie a évoqué une armée prête à défendre de sa vie la Constitution du Venezuela.
Les Vénézuéliens divisés
A Caracas, les atermoiements de l’Union européenne et son incapacité à s’accorder sur une position commune agacent la population, dans un camp comme dans l’autre. Deux mobilisations se sont tenues ce samedi dans les rues de la capitale vénézuélienne, rapporte notre correspondant sur place, Benjamin Delille.
L’une chaviste, une marche depuis un quartier populaire jusqu’au palais présidentiel pour soutenir Nicolas Maduro. Tous les militants présents ont fermement condamné l’ultimatum européen, sans surprise. Pour l’un d’entre eux, Emmanuel Macron ferait mieux de s’occuper des « gilets jaunes » plutôt que de faire de l’ingérence dans les affaires vénézuéliennes. Un autre affirme ne pas être pas étonné, surtout de la part de l’Espagne. Un Etat « fasciste et corrompu », selon ses mots.
En ce qui concerne l’opposition, une réunion publique était organisée place Alfredo Sadell, dans un quartier plus chic de la capitale. Et étrangement, les militants étaient assez divisés vis-à-vis de cet ultimatum. Pour les plus modérés, c’est un pas de plus vers la reconnaissance, un soutien supplémentaire. Beaucoup d’autres en revanche se disent agacés que l’Union européenne ne reconnaisse pas une bonne fois pour toutes Juan Guaido. Une jeune femme s’interrogeait sur le but de ce délai, estimant que le rejet de l’ultimatum par Nicolas Maduro était évident. Un autre parlait de « lâcheté », estimant que la position de l’Europe ne faisait pas « honneur à la démocratie ».
Selon la consultante politique de l’opposition vénézuélienne Colette Capriles, pour que ces déclarations aient un effet concret elles devront être accompagnées de sanctions drastiques.
« La position prise par l’Union européenne, même si elle n’est pas officielle, cette position des pays européens est complémentaire au reste. C’est-à-dire qu’en effet il faut offrir à Maduro un chemin pour aller vers des élections, mais en même temps il faut faire pression sur lui de manière plus drastique. Des pressions économiques qui montrent au gouvernement que la situation n’est pas viable économiquement. De cette manière, tout d’abord le secteur militaire l’abandonnera, mais son propre parti également. Son propre mouvement doit comprendre que la meilleure solution pour le pays est que Maduro quitte le pouvoir. Donc, c’est un travail qui exige de la constance et qui doit être fait rapidement », estime Colette Capriles.
Rfi