L’armée israélienne a tué un dirigeant du Jihad islamique, provoquant des tirs de roquettes de Gaza vers Israël.
Depuis plusieurs semaines, l’armée israélienne ne cessait d’évoquer ce nom : Baha Abou Al-Ata. Ce commandant local du Jihad islamique à Gaza, a fini par être tué, à 42 ans, par une frappe aérienne, mardi 12 novembre, chez lui avec son épouse, au rez-de-chaussée d’un immeuble de trois étages du district de Chajaya. L’armée lui attribuait de nombreux tirs de roquettes lancés contre Israël depuis l’été, y compris durant la campagne pour les législatives du 27 septembre.
Une guerre quasi privée, orchestrée par un commandant radical et incontrôlable
Ces attaques ont été présentées par des responsables de sécurité israéliens à la presse comme une guerre quasi privée, orchestrée par un commandant radical et incontrôlable, sous influence iranienne. Elles fragilisaient une trêve non officielle avec le Hamas, mouvement islamiste dominant dans l’enclave de Gaza, sous blocus israélien depuis 2007.
Mardi, des frappes ont également ciblé Akram Ajouri, un responsable politique du Jihad islamique à Damas, la capitale syrienne, où réside la haute hiérarchie du mouvement armé. Ces tirs ont tué deux personnes, dont son fils, mais pas ce responsable, a affirmé l’agence officielle syrienne Sana, qui en a imputé la responsabilité à Israël.
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Le Jihad islamique a confirmé la mort de M. Al-Ata et a répliqué par des salves de roquettes : une cinquantaine de tirs mardi matin, dont vingt ont été interceptés. Les sirènes d’alarme ont retenti dans de nombreuses villes israéliennes à proximité de Gaza, et jusqu’à Tel-Aviv, la métropole économique située à quelque 90 kilomètres de l’enclave. Les écoles et les universités y ont été fermées. Le Hamas lui-même s’est dit déterminé à ne pas laisser l’attaque israélienne impunie – les assassinats ciblés représentent une ligne rouge pour toutes les factions palestiniennes à Gaza.
« Attaques imminentes »
L’armée israélienne, qui a fermé les points de passage dans Gaza et réduit le périmètre de pêche autorisée sur la côte de l’enclave, s’est dite prête, quant à elle, à plusieurs jours d’affrontement. Elle précisait cependant, à l’attention des factions, ne pas chercher une escalade de la violence, et s’est refusée à commenter les frappes sur Damas.
Son porte-parole, Jonathan Conricus, a décrit Abou Al-Ata comme « une bombe à retardement » : ce commandant se préparait, selon Israël, à orchestrer des opérations impliquant à la fois des roquettes, des snipers, des drones et des combattants contre le pays. « Il était responsable de plusieurs attaques terroristes, de tirs de roquettes sur l’Etat d’Israël au cours des derniers mois et avait l’intention de perpétrer des attaques imminentes », a affirmé le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, qui a approuvé cette opération menée avec le service de renseignement intérieur, le Shin Bet.
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L’armée s’était longuement interrogée sur la façon de répondre aux tirs de roquettes attribués à ce commandant de la région Nord de Gaza. Depuis des mois, elle répliquait selon une doctrine bien rôdée en frappant le Hamas, seul maître de l’enclave de Gaza, estimant que c’était à lui d’y faire régner l’ordre et d’en faire rabattre au Jihad islamique. L’armée maintenait cependant ses répliques à un niveau minimal, infligeant peu de dégâts, afin de ne pas déclencher une escalade. Mais depuis plusieurs semaines, la perspective d’une réponse renforcée contre cette faction était sur la table, notamment par des assassinats ciblés.
Réputé de rang secondaire
Selon des sources sécuritaires, la hiérarchie du Jihad islamique à Damas n’a qu’un contrôle limité sur l’action de ses commandants à Gaza. En tout état de cause, elle n’a aucun compte à rendre à la population de l’enclave en cas de réplique israélienne, puisqu’elle ne participe pas au pouvoir aux côtés du Hamas. En son sein M. Al-Ata, commandant réputé de rang secondaire et relativement peu connu localement, avait fini par incarner une ligne intransigeante à Gaza même, refusant la trêve non officielle en vigueur.
Des sources de sécurité israélienne précisaient ces dernières semaines qu’aucun canal direct n’attachait Téhéran à M. Al-Ata
L’appareil sécuritaire israélien ne cesse de mettre en garde contre des liens de plus en plus affirmés entre le front de Gaza et ceux du Nord, aux frontières libanaise et syrienne, tous trois sous l’influence de l’adversaire iranien, et tous trois susceptibles de s’embraser de façon coordonnée. Mais malgré des liens établis entre Téhéran et le Hamas et surtout le Jihad islamique, des sources de sécurité israélienne précisaient à la presse, ces dernières semaines, qu’aucun canal direct ne liait Téhéran à M. Al-Ata, soupçonné d’agir de façon autonome. Une telle figure avait le mérite, pour le Hamas comme pour Israël, d’endosser de façon indépendante des tirs de roquettes réguliers depuis l’enclave, sans remettre en cause une trêve non officielle négociée avec l’ONU, l’Egypte et le Qatar.
Au mois d’août, de nombreux tirs avaient ainsi été attribués à ce commandant, alors qu’Israël tardait à approuver l’entrée de millions de dollars d’aide que le Qatar livre chaque mois à Gaza, dans le cadre de l’accord de trêve. Ces fonds qataris financent les salaires des fonctionnaires du Hamas et des programmes d’aides sociales. Depuis des mois, Israël et l’Egypte voisine ont par ailleurs discrètement desserré l’étau sur contrôle du passage de marchandises vers Gaza, offrant à sa population une maigre respiration, ainsi qu’un peu de stabilité au Hamas au pouvoir.
Dans ces négociations, qui se résument à un traitement sécuritaire de l’enclave par Israël, doublé de mesures de soulagement économiques, le Hamas avait pu, au minimum, tolérer les tirs du mois d’août, sinon les inciter ou les diriger lui-même. Ils lui permettaient, de fait, d’exercer une pression sur Israël pour accélérer l’arrivée de l’aide qatarie. Avec la mort de M. Al-Ata, l’organisation ne peut plus, désormais, se décharger de ses responsabilités.
En Israël, le risque d’un embrasement de Gaza suite à cette opération pèsera sur les négociations en cours entre les partis politiques israéliens, qui échouent depuis les législatives de septembre à former un gouvernement d’union. M. Nétanyahou, sorti des urnes sans majorité et menacé d’une inculpation imminente en justice pour des accusations de corruption, avait depuis lors fait pression sur ses rivaux, en invoquant l’urgence de la menace régionale iranienne.