Les salles de sport sont aujourd’hui très fréquentées par les femmes. Dans ces endroits dédiés au travail des muscles, hommes et femmes se côtoient, dans une promiscuité parfois déroutante. Un fait qui avait poussé le Khalife des mourides, Serigne Mountakha Mbacké, à faire une sortie le 30 Août dernier pour décrier la floraison de ces salles «qui ne respectent pas les normes», à Touba. Là où, à Louga et Saint-Louis, ce phénomène fait de plus en plus jaser.
Casquette vissée à l’envers, leggings moulant des jambes galbées, brassière mettant en exergue une poitrine généreuse, basket au pied, une bouteille d’eau fraîche entre les mains, Safiétou Fall traverse la ruelle donnant vers la place «Yacine Boubou», sise au cœur de la ville de Louga. Et pénètre avec entrain dans la salle de sport qui fait face aux cours privés «Sainte Marie» de Louga. A l’intérieur, des hommes aux biceps saillants supervisent les exercices synchronisés d’une bande de nymphes, ahanant au rythme d’une techno électrique. A Louga, c’est le nouveau béguin des jeunes filles. A l’image de Safiétou, elles sont nombreuses à fréquenter les salles de sport pour pratiquer la gymnastique en salle. A quelle fin ? Fatou Fall (30 ans) avoue fréquenter ces lieux depuis bientôt deux ans. «Pour ma part, je fréquente les salles de sport pour m’entraîner, sur recommandation de mon médecin. Depuis, je me sens beaucoup mieux», justifie-t-elle. Cependant, elle reconnaît que toutes les femmes qui fréquentent les salles de sport n’ont pas les mêmes motivations. Elle explique : «Certaines viennent faire du sport en tenue sexy et ne cachent pas leur intention de séduction. Elles mettent en valeur leurs attributs physiques pour charmer les hommes. Ces derniers également misent sur leur biceps pour espérer entrer dans les bonnes grâces des jeunes femmes. Ce jeu de séduction aboutit souvent à une relation amoureuse.»
«Une bonne occasion pour faire des rencontres intéressantes»
Autre région, même tendance. A Saint-Louis, les salles de sport refusent du monde. Si pour certaines, comme Safiétou, c’est une nécessité, pour d’autres, c’est le meilleur moyen pour faire des rencontres. Au quartier Ngallèle, la salle de sport «Taga Fitness Club» ne désemplit pas. Linguère Diop est à sa première séance d’entraînement. Après quelques exercices, elle prend une gorgée d’eau et scrute son corps. Pour cette jeune dame, bien dotée par mère nature, le sport est l’alternative la plus rapide pour perdre du poids. «La pratique du sport m’a permis de perdre du poids et d’entretenir mon physique», souffle-t-elle, coquine. On s’éloigne. Les décibels meublent l’ambiance de la salle et rythment les squats effrénés de Penda Samb. La jeune femme se donne à fond sous la houlette d’un moniteur. Elle observe une courte pause et lâche, aguicheuse : «Venir en salle me permet de raffermir mon corps et qui sait, en célibataire endurcie, peut-être que je tomberai sur un beau mec musclé pour une relation et plus, si affinités. En plus, c’est à la mode.» Sourire en coin du coach qui encourage la gent féminine à plus fréquenter les salles de sport pour maintenir leur forme physique et psychique. Une proposition balayée d’un revers de mains par un groupe de jeunes filles, espiègles, lançant des œillades aguicheuses au moniteur aux muscles saillants. «Oui, mais pas que. Les salles de sport sont aussi d’excellents lieux de rencontres pour célibataires. Les fréquenter, c’est une bonne occasion pour faire des rencontres intéressantes», glisse l’une d’elles.
«Faire du sport ne signifie pas s’habiller de façon grossière et provocante»
L’horloge affiche 19 heures au quartier Léona Eaux Claires. Ici, la salle accueille de plus en plus de monde. Hommes et femmes se côtoient dans cette salle. Selon M. Ndour, le crépuscule est le moment choisi par les jeunes filles pour faire du sport. Yacine Diagne, la trentaine révolue, arpente les ruelles de ce populeux quartier de Saint-Louis. Taille moyenne, écorce basanée chahutée par la dépigmentation, la jeune femme avoue qu’elle a commencé à s’adonner au sport récemment. «C’est durant cet été que j’ai commencé à faire du sport. C’est une amie qui fréquente cette salle qui m’a incitée à venir à la salle de sport», confie-t-elle. Selon elle, ce n’est pas l’activité physique en tant que telle qui l’attire, mais l’aspect ludique et l’échappatoire qui motivent son intérêt récent pour la salle de sport. «La fréquentation de cette salle est bénéfique pour moi, car ça me permet de faire des rencontres et c’est un excellent moyen pour oublier les soucis de la vie, décompresser et chasser le stress», prétexte-t-elle. Habillée d’un body et d’un leggings qui épouse parfaitement ses formes, Bineta pousse le bouchon un peu plus loin. «Je suis jeune et pleine de vie, donc je ne sais pas ce qui peut m’empêcher de sortir, de faire du sport et de faire des rencontres qui me plaisent. C’est ma vie. En plus, le sport me permet de déstresser. Je l’assume, c’est à la mode», se targue cette étudiante à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis. En nage sous son sweet-shirt, Iba n’y va pas avec le dos de la cuillère pour expliquer la ruée des filles vers les salles de sport. Pour lui, ce n’est rien d’autre qu’un effet de mode. Sans plus ! Catégorique, le mécanicien qui digère mal le comportement de certaines filles, siffle : «Au lieu de faire du sport, elles passent leur temps à déambuler çà et là. Elles ne prennent même pas les exercices au sérieux. Je pense que si elles viennent ici, c’est pour rencontrer des hommes. Bien sûrque c’est une tendance. Je confirme.» Aïcha ne partage pas son point de vue. Selon elle, il ne faut pas mettre toutes les filles dans un même sac. «Ce n’est pas parce que des jeunes filles fréquentent les salles de sport pour y faire des rencontres que toutes les autres sont pareilles. Loin de là. Certaines viennent pour faire du sport et rien d’autre», défend Aïcha avec une dose d’amertume. D’après le coach principal de la salle «Taga Fitness Club», c’est aux gestionnaires des salles de sport d’avoir une attitude responsable et de ne pas accepter certaines pratiques qui risquent de créer des malentendus. Habitant le populeux quartier Pikine de Saint-Louis, Moustapha Sylla condamne avec fermeté cette nouvelle tendance. La cinquantaine dépassée, ce monsieur déplore la pagaille qui existe dans les salles de sport. Dans sa conviction, les filles qui fréquentent ces lieux sont animées par des intentions autres que le sport. «Chaque soir, juste après le crépuscule, des groupes de jeunes filles passent devant le portail de ma maison. Elles disent partir en salle de sport. Mais moi, j’en doute fort.» Il juge mal qu’à une heure aussi avancée de la nuit, une jeune fille s’habille de manière indécente pour sortir. «Faire du sport ne veut pas dire s’habiller de façon grossière et provocante. Elles sont mues par d’autres desseins. Je ne m’explique pas ce soudain intérêt pour le sport par les femmes», éructe-t-il. Assis à côté de son ami, le vieux Thiaw y va aussi de son commentaire : «Si c’est une mode, elle n’est pas bonne. Faire du sport n’est pas une mauvaise chose. Mais j’estime que les filles ne se limitent pas souvent à cela. C’est un peu comme ce qui se passe dans les plages et autres lieux de divertissement. C’est déplorable et vraiment regrettable. Par leur actes, elles dénaturent la quintessence même du sport.»
AMADOU SAMOURA & ABDOU MBODJ