Fidèle à l’ASM Clermont Auvergne depuis 1999, Aurélien Rougerie, qui évoluait au poste de centre, d’ailier ou d’arrière, raconte 19 années de rugby dans un ouvrage intitulé Ma vie en jaune et bleu. Pendant près de deux décennies, il a porté haut et fort les couleurs des Jaunards et de l’équipe de France. RFI l’a rencontré.
Un hôtel non loin de la Tour Eiffel. Aurélien Rougerie, 37 printemps, qui a mis un terme à sa carrière sportive, fait sa tournée dans la capitale française. En pleine promotion de sa biographie Ma vie en jaune et bleu, chemise blanche, épaules larges et regard vif, il est assis face à nous pour évoquer une vie de rugbyman. Son livre, c’est avant tout l’occasion de « remercier » tous ces gens qui l’ont suivi, pour « partager un peu l’intimité de son parcours ».
On ne résume pas 19 années de carrière en quelques paragraphes. Il faut prendre le temps d’ouvrir les pages du livre, de se glisser dans l’histoire. Une histoire qui a débuté très tôt. Si Aurélien Rougerie s’est un peu essayé au basket (pratiqué par sa mère), c’est avec un ballon ovale qu’il trouve son bonheur : celui de courir, « j’étais un garçon agité », et de se retrouver entre copains dans « une ambiance sympa ».
Premier match professionnel sous le maillot jaune et bleu en 1999
Depuis, l’international français a beaucoup donné au rugby. Au point d’avoir failli y laisser sa peau. L’enfant de Clermont, qui a disputé 418 matches professionnels sous le maillot de l’ASM depuis l’âge de 19 ans, sait qu’il revient de loin. Cette carrière, il la doit à un petit miracle.
Le 24 août 2002, lors d’une rencontre amicale à Clermont, Greening, talonneur international qui portait alors les couleurs des London Wasps l’avait alors gravement blessé à la gorge. Un traumatisme qui lui a valu une longue hospitalisation et des complications. L’ailier de l’ASM, après plusieurs interventions chirurgicales, a passé de longs mois loin des terrains. « On ne revient pas en se regardant dans une glace. Il a fallu beaucoup de travail », se souvient-il. Il ajoute après un long silence : « Pour faire court, cela aurait pu me coûter la vie ».
Aurélien Rougerie est resté à Clermont pour l’amour de sa région et de son club. Il aurait pu aller faire de l’argent au Japon, mais le club était trop proche de Fukushima qui a connu un accident nucléaire en 2011. « C’était dans mon esprit une aventure culturelle pour ma famille, raconte-t-il. Sans faire injure au rugby japonais, ce n’était pas d’un grand niveau sportif. J’aurais pu gagner pas mal d’argent, mais je ne voulais pas mettre en péril la santé de mes enfants ».
« Je ne suis jamais resté sur mes acquis »
A Clermont, Aurélien Rougerie s’est constamment remis en question pour ne pas sombrer dans la routine et le confort. « Je ne suis jamais resté sur mes acquis. J’étais le gardien du temple et je devais donner l’exemple », explique-t-il. Avec « les jaunards », il a vécu des moments de frustrations et des moments de joie. Il garde en tête le premier titre de champion de France remporté par Clermont en 2010 face à Perpignan sur le score de 19-6, après dix finales perdues. A l’époque, il était titulaire et arborait le brassard de capitaine. « C’était une grosse responsabilité », lâche-t-il sans grandiloquence.
En Bleu, Aurélien Rougerie a connu la Coupe du monde 2003 juste après son accident à la gorge. « J’étais là physiquement, mais pas mentalement. Je n’avais pas l’esprit et c’est là que l’on se dit que c’est la tête qui fait tout marcher. Au fond de soi-même, on garde toujours les blessures ».
En 2011, Aurélien Rougerie perd d’un point la finale du Mondial face aux Néo-Zélandais. « On s’était rebellé dans cette compétition complètement folle. Je me souviens que le lendemain, dans un français approximatif, un gars m’a dit « vous ne méritiez pas d’aller en finale, mais vous méritiez d’être champion du monde ». C’est vrai que l’on s’est hissé péniblement en finale. Mais on a fait trembler tout un pays. C’était un grand moment ».
« Je suis vice-champion du monde et c’est déjà pas mal »
Que serait devenu « Roro », fils de Jacques, pilier de l’ASM dans les années 70, avec un titre de champion du monde ? « Je me pose parfois la question, dit-il en soufflant. J’aurais peut-être quitté Clermont-Ferrand. Mais je suis vice-champion du monde et c’est déjà pas mal. »
Avec l’équipe de France, il totalise 76 sélections, trois Coupes du monde (2003, 2007, 2011), et deux grands chelems dans le Tournoi des six nations. « C’est surtout la longévité de sa carrière qui m’interpelle, témoigne son ami Olivier Magne pour RFI. Cela suscite de l’admiration. Tout ce que j’aime dans un joueur, c’est lorsqu’il fait les choses avec simplicité. Il connaît son sport parfaitement et comme les grands il est humble. » Il ajoute : « Il y a trop de gens qui se racontent des histoires. Je l’ai vu arriver en équipe de France et il n’était pas dans le calcul. Il donnait tout ce qu’il pouvait ». Olivier Magne, international pendant plus de dix ans, n’oublie pas que Rougerie était un sacré bon camarade : « avec lui on a beaucoup rigolé. »
Aurélien Rougerie a très bien vécu toutes ces années de rugby et devrait continuer dans un autre costume. Il va désormais diriger la cellule de recrutement de l’ASM. L’homme ne semble toujours pas prêt à s’éloigner du département du Puy-de-Dôme et de la capitale historique de l’Auvergne. Fidèle, Aurélien Rougerie est sans doute le dernier des Mohicans. Pour lui, l’herbe n’est pas plus verte ailleurs.
Aurélien Rougerie, Ma vie en jaune et bleu, éditions Marabout