Depuis Washington, le président américain Joe Biden a promis jeudi de « porter un coup sévère » à l’économie russe. En coordination avec ses alliés, une série de sanctions nouvelles viennent frapper le pays de Vladimir Poutine. De nombreuses personnalités proches du Kremlin viennent s’ajouter à la liste noire de l’administration américaine. Mais surtout, les plus grandes institutions financières du pays sont maintenant dans le collimateur.
Après l’État russe puis la Banque centrale, c’est autour de deux des plus grandes banques russes, Sberbank et VTB Bank, ainsi que leurs filiales, de se voir restreindre l’accès aux marchés financiers américains. C’est un mastodonte de la finance qui est aujourd’hui frappé. Sberbank est une institution très connectée au système financier mondial et qui représente un tiers du marché russe. Elle est dans le viseur des Américains mais aussi des Européens, du Canada, et du Royaume-Uni.
Trois autres grandes banques russes sont sanctionnées, ainsi que treize des grandes entreprises du pays. Parmi elles, Gazprom, le géant de l’énergie qui ne pourra plus avoir accès au marché financier américain.
Pour l’heure, pas question de couper la Russie du réseau bancaire Swift
Les Européens sont divisés sur cette option qui est toujours sur la table américaine, mais qui aurait potentiellement de très lourdes conséquences si elle était mise en œuvre. Certains pays européens comme l’Italie ou l’Allemagne, dépendants de l’approvisionnent énergétique russe n’y sont pas favorables pour l’instant.
Mais les alliés transatlantiques balaient les critiques sur l’inefficacité des sanctions. Celles-ci feront très mal, assurent-ils. Ursula von der Leyen, la présidente de la Commission européenne assure que 70% du secteur bancaire russe est frappé désormais par les sanctions.
Par ailleurs, la liste noire des membres de l’élite économique russe s’allonge elle aussi depuis jeudi, aux États-Unis, au Canada, en Europe, au Royaume-Uni, en Australie et au Japon.
Les États-Unis et leurs alliés veulent aussi attaquer l’économie russe sur le long-terme
Et pour cela, entraver son développement technologique. Comme ils l’avaient fait avec la Chine, les États-Unis vont empêcher les exportations de composants technologiques vers la Russie. Cela inclut les technologies sensibles à double usage civil et militaire, afin de porter un coup à l’armée russe.
Mais encore, en plus des composants intéressants les industries aéronautique, spatiale et les technologies de raffinage pétrolier, la Russie aura un accès restreint aux semi-conducteurs. L’enjeu est de freiner fortement la diversification de l’économie russe et sa modernisation, entamée il y a quelques années.
Plus de la moitié des importations technologiques sont visées selon la Maison Blanche. La Russie est ultra dépendante de ses fournisseurs occidentaux pour les processeurs, puces et autres instruments de pointe indispensables à ses industries. Les Européens, qui sont le principal fournisseur russe, n’ont pas détaillé leurs sanctions, hier. Mais ils ont déjà annoncé qu’ils adopteraient les mêmes mesures que les États-Unis en la matière.
Est-ce que l’impact de ce nouveau train de sanctions se fera sentir immédiatement ?
On l’a beaucoup dit ces derniers jours : la Russie a les moyens de tenir. Même si ses plus grandes banques sont visées par les sanctions aujourd’hui, c’est un pays faiblement endetté. Il a pour lui ses énormes réserves de change qui peuvent servir à stabiliser son économie. La Banque de Russie rassure ses clients ce matin. Elle soutiendra les banques visées par les sanctions pour assurer le bon fonctionnement du système.
De plus, le pays peut toujours exporter ses hydrocarbures et ses produits céréaliers. Et le contexte est favorable pour la Russie. Les cours connaissent en ce moment une explosion historique, au grand dam des principaux clients, en Afrique en particulier. On peut estimer que les restrictions sur les semi-conducteurs n’auront pas les mêmes effets négatifs sur cette économie qui n’est pas encore une puissance technologique.
Par ailleurs, les armes financières les plus dissuasives comme l’exclusion du système bancaire Swift ont été épargnées à Moscou. La situation est donc loin d’être critique, pour l’instant.
En revanche, avec ses sanctions coordonnées et massives, les Occidentaux et leurs alliés envoient un signal fort
L’objectif est de faire de Vladimir Poutine et de son pays des parias sur la scène internationale. Faire de la Russie un partenaire commercial encore plus compliqué.
Et Vladimir Poutine, épargné lui-même par les sanctions, contrairement à son entourage n’est peut-être pas insensible à ce problème. Hier, il avait rendez-vous au Kremlin avec la communauté d’affaires russe, inquiète des récents développements. Il leur a assuré qu’ils ne « voulait pas porter atteinte au système économique mondial ». Au même moment, on apprenait que deux anciens dirigeants européens quittaient le navire russe
Matteo Renzi, l’ancien Premier ministre italien, a lâché son poste au conseil d’administration de Delimobil, une société de services russe. Quant à l’ancien Premier ministre finlandais, il est sorti du Conseil d’administration de Sberbank, l’institution rattrapée par les sanctions depuis hier.
rfi