Malgré des apparences physiques normales, les enfants de mères ayant contracté le virus Zika pendant leur grossesse subissent-ils un retard de développement ? Oui, selon une étude.
La grande majorité des enfants dont la mère a contracté le virus Zika pendant la grossesse naissent sans les symptômes redoutés de la maladie, tels que la microcéphalie (croissance faible de la boîte crânienne). Mais une étude menée en Colombie sur 70 jeunes enfants apparemment normaux à la naissance révèle de légers retards de développement.
L’étude, publiée lundi dans la revue américaine Jama Pediatrics, a suivi des enfants nés en 2016 et 2017, jusqu’à leurs 18 mois, dans le département Atlantico de Colombie, afin de répondre à une question qui hante parents et chercheurs depuis l’explosion de l’épidémie en 2015/2016 : les 90 à 95% des bébés dont la mère avait contracté Zika et qui semblaient normaux à la naissance sont-ils affectés par le virus de façon plus subtile ?
Des retards du développement, sociaux et cognitifs
Ces bébés ont pris quelques mois de retard en moyenne sur les grandes étapes du développement : des étapes de motricité telles que se retourner, s’asseoir, marcher à quatre pattes, marcher et monter les escaliers, selon l’étude. Ils développent aussi des retards sociaux et cognitifs, tels qu’attendre son tour pour lancer une balle ou jouer à dire « coucou ».
« Pour la plupart des bébés, l’effet n’est pas très grand », explique à l’AFP Sarah Mulkey, neurologue pédiatrique à l’hôpital pour enfants de Washington, qui a mené ces travaux. « Ce sont des retards qu’on ne remarquerait pas forcément, à moins de faire des tests spécifiques ». Ces retards ont été mesurés rigoureusement via un questionnaire de 50 questions, administré deux fois aux parents entre 4 et 18 mois. « On se sait pas encore comment les enfants seront affectés à 5 ou 8 ans »
Un autre examen visuel standardisé a trouvé une différence de motricité chez une partie des enfants seulement : ceux dont une échographie réalisée après la naissance avait révélé de petites anomalies dans le cerveau, qui habituellement ne suscitent pas d’inquiétude et ne sont pas spécifiques à Zika. Environ un tiers des enfants avaient ces anomalies, par exemple de petits kystes dans le cerveau, contre 2 à 5% en moyenne dans la population, affirme Sarah Mulkey. Ces enfants-là semblaient développer leur motricité avec un peu de retard.
On ignore si les retards pourront être rattrapés ou s’aggraveront avec l’âge, car les chercheurs ne sont qu’au début de leur compréhension de Zika, qui se transmet de personne à personne par l’intermédiaire d’une piqûre de moustique tigre, ou par voie sexuelle. « On se sait pas encore comment les enfants seront affectés à 5 ou 8 ans, car aucun n’a pas encore atteint ces âges », explique Sarah Mulkey. « Cela montre qu’il faut suivre sur le long terme tous les bébés exposés à Zika, qu’ils aient été d’apparence normale à la naissance ou non », dit-elle. « Il faut les suivre jusqu’à ce qu’ils entrent à l’école, et peut-être plus longtemps, pour comprendre l’impact complet du virus sur le développement du cerveau ». Les chercheurs ont obtenu un nouveau financement pour suivre ces enfants jusqu’à 5 ans.