Le journal Libération dans sa livraison du mercredi 23 janvier 2019 a fait des révélations gravissimes sur les pratiques de Philip Morris concernant le surdosage des cigarettes importées de Suisse et qui sont vendues au Sénégal et en Afrique. Le résident de la Ligue sénégalaise contre le tabac (Listab), Amadou Moustapha Gaye, a indiqué que cela pose tout simplement le respect et la non-application des lois antitabac qui sont votées dans nos pays, et l’absence de moyens qui devraient être mobilisés pour faire face aux pratiques monstrueuses et mortifères de l’industrie du tabac, acteur d’un véritable génocide envers les populations africaines.
M. Gaye a rappelé que la loi antitabac du Sénégal relative à la fabrication, au conditionnement, à l’étiquetage, à la vente et à l’usage du tabac, dans son chapitre premier sur la composition, et en son article 4, dit clairement que les produits du tabac, de quelque nature qu’ils soient, doivent dans leur composition, être conformes aux normes définies par voie légale ou réglementaire en vigueur. Il trouve que l’Etat doit prendre les mesures relatives aux tests et à l’analyse de la composition et des émissions des produits du tabac en mettant en place un organe de contrôle des normes.
Le rapport de l’Ong Public Eye montre que l’industrie du tabac applique un double standard sur les cigarettes produites, et celles vendues en Afrique sont plus toxiques que celles fumées en Europe. Les résultats sont clairs : les cigarettes fabriquées sur sol helvétique et vendues en Afrique sont bien plus fortes, plus addictives et plus toxiques que celles que l’on trouve en Suisse ou en France. Les niveaux détectés révèlent l’existence d’un double standard : les Africains fument des cigarettes plus nocives que les Européens. Pour chacun des trois paramètres testés, la quasi-totalité des cigarettes produites en Suisse et consommées en Afrique enregistrent une teneur supérieure à celle observée dans les cigarettes suisses et françaises.
Un échantillon de la marque Winston, par exemple, comporte plus de 16.31 milligrammes de particules totales par cigarette, contre 10.5 pour des Winston Classic achetées à Lausanne. Pour la nicotine, la différence entre les cigarettes commercialisées au Maroc et en Suisse est particulièrement frappante : 1.28 milligramme par cigarette pour des Camel «Swiss made» vendues au Maroc, selon les résultats de l’IST, contre à peine 0.75 milligramme pour des Camel Filters vendues en Suisse. Pour le monoxyde de carbone, qui a pour effet de réduire la quantité d’oxygène circulant dans le sang, les valeurs sont aussi très différentes selon qu’on fume une Winston Blue en Afrique (9.62 milligrammes par cigarette) ou en Suisse (5.45 milligrammes). Malgré l’appellation rassurante, fumer des Camel light à Casablanca revient à consommer des cigarettes plus nocives que des Camel Filters à Lausanne.
L’industrie du tabac triche aussi avec les marques sur leurs paquets. « Et qui dit plus de dépendance, dit plus de difficulté à s’en passer, et donc plus de toxicité.» Jacques Cornuz, directeur de la Policlinique médicale universitaire de Lausanne, épidémiologiste et spécialiste du tabac, et qui a dirigé la Commission fédérale de prévention du tabagisme de 2007 à 2014, ne prend aucun détour : «On peut légitimement dire qu’on passe d’un camion de 20 tonnes à un de 40 tonnes.»
Pourquoi les Marlboro vendues en Afrique contiennent-elles plus de goudron que celles fumées en Suisse ? Il y a donc des défaillances sur des contrôles qui devraient être faits à plusieurs niveaux, mais aussi et surtout sur le laxisme coupable de la Suisse qui, à cause d’un système volontairement complaisant avec l’industrie du tabac, laisse produire sur son territoire, un produit dont les effets sont scientifiquement certifiés comme doublement mortels. La Confédération suisse promeut ainsi et profite de l’existence d’un double standard, quitte à aggraver les problèmes de santé publique dans les pays importateurs.
La LISTAB interpelle l’Etat du Sénégal pour une application rigoureuse de la loi 2014-14 du 28 mars 2014 en son article 4 et 5, afin de surveiller la composition et des émissions sur les produits du tabac. Il est donc impératif de se doter de laboratoires qui analysent systématiquement les cigarettes importées. Selon l’OMS, le Burkina Faso est le seul pays d’Afrique à le faire.