La CEDH a jugé jeudi que la France n’avait pas violé le droit de Sanofi à un procès équitable en condamnant la société à indemniser une femme souffrant de sclérose en plaques après un vaccin contre l’hépatite B mais l’a condamnée pour une décision insuffisamment motivée.
La société pharmaceutique Sanofi Pasteur contestait notamment devant la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) le délai de prescription fixé à 10 ans à partir de la date de consolidation du dommage de la patiente, c’est-à-dire du moment où ses lésions sont devenues permanentes.
Cette règle « a rendu l’action imprescriptible dès lors que la maladie à la base du dommage, évolutive de nature, n’était pas susceptible de consolidation », pointait Sanofi, selon un communiqué de presse de la CEDH.
L’arrêt de la cour conforte le choix du système judiciaire français « de donner plus de poids au droit des victimes de dommages corporels à un tribunal, qu’au droit des personnes responsables de ces dommages à la sécurité juridique » explique le communiqué.
Les juges strasbourgeois ont estimé que cette règle de prescription permettait de prendre en compte le fait que les besoins des personnes atteintes d’une maladie évolutive, en termes d’assistance par exemple, peuvent augmenter au fil du temps.
L’affaire concerne la responsabilité de Sanofi à l’égard d’une femme, née en 1972, qui avait dû se faire vacciner contre l’hépatite B lorsqu’elle était élève infirmière.
En 1993, elle déclara une sclérose en plaque, puis en 1999 la maladie de Crohn et enfin, en 2004, une polymyosite, maladie rare qui entraîne une inflammation musculaire.
La jeune femme a d’abord fait condamner l’Etat à lui verser plus de 650.000 euros et une rente annuelle de près de 11.000 euros.
Elle a ensuite, en 2005, assigné Sanofi Pasteur devant le juge civil pour obtenir réparation en raison de l’aggravation de son état.
Le TGI de Toulouse, puis la cour d’appel de Toulouse ont jugé cette action recevable et fait courir la prescription à partir de la consolidation du dommage. La cour de Cassation a rejeté les pourvois de Sanofi.
Finalement, en 2015, le TGI de Toulouse condamna Sanofi à verser à la malade près de 10.000 euros ainsi qu’une rente annuelle de 5.500 euros.
Sanofi Pasteur déplorait avoir été condamné sur le fondement d’une double présomption de causalité entre la vaccination et les maladies d’une part et la défectuosité du vaccin d’autre part.
Le laboratoire se plaignait devant la CEDH que la Cour de cassation ait rejeté sa demande de questions à la Cour de justice de l’Union européenne sur ce dossier, sans indiquer les motifs du refus.
La CEDH a jugé la France coupable sur ce point, sans toutefois la condamner à indemniser Sanofi pour dommage moral.