L’opposition a refusé de répondre à l’appel au dialogue lancé par le chef de l’Etat. Qu’est-ce qui justifie cette position?
C’est une réaction tout à fait normale dans la mesure où ce qui s’est passé à l’élection présidentielle est antidémocratique. Le chef de l’Etat avait son fichier électoral alors que l’opposition n’en disposait pas. Nous ne pouvons donc pas reconnaître les résultats de ce scrutin. Autre chose, quand on remporte les élections avec 58 % des suffrages des Sénégalais, on n’a pas besoin de tendre la main à qui que ce soit. J’estime que c’est un faux débat et que l’opposition a eu raison de ne pas répondre à cet appel.
Ne pensez-vous pas qu’un dialogue inclusif aurait permis de disséquer les forces et faiblesses du processus électoral décrié par l’opposition ?
L’opposition ne peut pas passer son temps à faire des propositions qui ne seront jamais appliquées. Nous avions, par exemple, au début, demandé qu’on discute du fichier, le chef de l’Etat nous avait opposé son veto. Aujourd’hui qu’il appelle au dialogue, nous nous disons qu’il doit avoir quelque chose dans la tête. D’ailleurs, je suis convaincue qu’il ne s’adresse pas à l’opposition mais à une personne bien précise. L’opinion publique sera bientôt édifiée.
Le président de la République Macky Sall a cité nommément, dans cette invite, les anciens chefs d’Etat Abdou Diouf et Me Abdoulaye Wade. Que faut-il en déduire ?
La question que je me pose est : qu’est-ce que Abdou Diouf, qui n’est plus un acteur du jeu politique, a à faire dans ce schéma ? Il s’est retiré de la scène politique depuis qu’il a quitté le pouvoir en 2000. Par ailleurs, je trouve pertinent de créer un cadre de dialogue avec Me Abdoulaye Wade, parce que lui et Macky Sall ont des relations à mettre au point. Ils ont eu à travailler et à cheminer ensemble. Macky Sall est conscient des actions qu’il a mises en œuvre. Je pense qu’il a intérêt à collaborer avec Me Wade.
Quand vous dites que l’appel est destiné à une personne précise, que faut-il retenir ?
Il y a des non-dits mais au sein de l’opposition, nous réfléchissons et préférons le laisser-agir. Les Sénégalais apprécieront. L’appel au dialogue n’est pas destiné aux quatre leaders de l’opposition. Il n’a qu’à aller droit au but et clarifier ses décisions
Le débat sur le titre de chef de l’opposition est aussi agité ces tempsci, quelle est votre appréciation ?
C’est un faux débat à mes yeux. Les assises nationales sont encore fraîches dans nos mémoires, les recommandations dorment dans les tiroirs, elles n’ont jamais été appliquées, alors qu’elles pouvaient être mises en pratique de façon progressive. Je pense que Macky Sall cherche encore à diviser l’opposition, heureusement que son appel au dialogue ne nous intéresse pas. Et puis, comment compte-t-il procéder ? Généralement, ce titre revient de droit au chef du parti qui a le plus de représentativité. Or, la plupart des leaders politiques sont allés en coalition lors de la présidentielle. On ne peut pas désigner, dans ce contexte, le chef de l’opposition, il faut que les partis aillent aux élections.
L’idée d’un troisième mandat a également été évoquée par certains. Votre point de vue ?
Il faut reconnaître également que c’est le camp présidentiel qui a agité cette idée, mais ce n’est pas l’opposition. De toute façon, tout ce qu’on lui demande c’est de nous rassurer en retournant à l’Assemblée nationale et d’exposer clairement ses intentions dans la possibilité d’une loi interprétative ou bien une disposition transitoire le concernant.
Le chef de l’Etat s’attelle à la formation d’un nouveau gouvernement. Pensez-vous qu’il existe des possibilités de voir des membres de l’opposition siéger au sein de cet attelage gouvernemental ?
Je suis dans la mouvance de l’opposition mais je ne suis plus dans un parti et je ne compte pas adhérer à un parti. Mais ce qu’il y a lieu de retenir est que les taupes qui étaient au service de Macky Sall, durant la présidentielle, et qui avaient infiltré l’opposition, vont bientôt se signaler
Qu’est-ce qui justifie ce retrait des partis politiques ?
Je suis naturellement libérale, j’ai milité dernièrement au sein de la coalition Bokk gis-gis. Je reste dans l’opposition et cela ne m’empêchera pas de me prononcer sur des questions politiques et faire de la politique. Mais ce ne sera plus dans un parti, il y a trop de contraintes. Mais j’encourage les jeunes à intégrer les formations politiques pour relever des défis majeurs
Peut-on s’attendre à des retrouvailles de la famille libérale ?
Je ne saurais le dire, je ne pense pas que ce soit demain la veille. On peut discuter et trouver un terrain d’entente, d’autant plus que si vous remarquez, tous les libéraux sont issus des flancs du Pds. Ils peuvent se réunir, parce qu’il y a le grand fondamental qui est toujours à l’ordre du jour, il y a certainement un problème de leadership qui se pose.
Idrissa Seck propose la tenue d’une conférence nationale. Il prévoit aussi de publier un livre blanc, quelle est la pertinence d’une telle démarche ?
Mais cela s’inscrit dans le cours normal des choses. Nous sortons des élections, donc la tenue d’une conférence permettra à l’opposition de donner son point de vue sur le déroulement du processus électoral, d’engager la réflexion et d’opérer de réelles ruptures. Le livre blanc leur servira également de livre de chevet et les Sénégalais auront une idée claire du déroulement du scrutin du 24 février.
Des Sénégalais s’interrogent sur l’opportunité d’une telle option, surtout qu’elle fait suite à l’appel au dialogue du chef de l’Etat ?
Pourquoi faut-il en douter alors que c’est une coalition qui s’est lancée dans cette compétition? Il faut tirer des enseignements majeurs et se projeter dans l’avenir, c’est très pertinent comme démarche. Je vous rappelle que cet appel n’est pas destiné à l’opposition. Nous savons tous à qui il s’adresse. Il faut qu’il édifie l’opinion publique.
Pensez-vous qu’il existe des chances que Macky Sall passe au terme de son mandat de cinq ans le relais à une femme ?
C’est un débat qui est très souvent soulevé et qui n’a pas toujours sa raison d’être à mes yeux. Car j’estime que c’est un problème de confiance qui se pose. Est-ce qu’il faut voter pour une femme parce qu’elle est femme. Tout dépend de son discours programmatique. Cela requiert une certaine étoffe
Estimez-vous que celles qui se sont présentées à la présidentielle n’ont pas le profil ?
Mais on ne les a pas laissées passer à cause d’un système de parrainage qui a tout bloqué. Des femmes remplissent les critères d’éligibilité. Mais je considère aussi qu’aucune femme ne sera dans l’obligation de porter son choix sur une candidate à la présidentielle parce que simplement c’est une femme. Nous devons être certains qu’elle est en mesure de diriger ce pays. Il faut reconnaître que les hommes n’ont pas forcé la main aux femmes pour qu’elles les élisent. Il est bien vrai qu’une candidature à la présidentielle demande beaucoup de moyens, c’est tout un arsenal qui va des moyens financiers aux capacités intellectuelles.