SOULEYMANE FAYE : ’’QUAND TU CHANTES, TU SOUFFRES’’

La pratique de la musique se nourrit aussi de la souffrance et des difficultés, estime le chanteur sénégalais Souleymane Faye, qui voit dans le goût des jeunes musiciens pour la vie facile, un des problèmes du secteur au Sénégal.

« Chanter procure du plaisir, mais quand tu chantes, tu souffres. Il m’arrive de chanter en pleurant. Effectivement, il y a des morceaux pour lesquels il faut pleurer pour les chanter. Si tu ne pleures pas, tu ne parviendras pas à écouter certaines chansons », dit-il dans un entretien paru dans l’édition de vendredi du Témoin quotidien.

« Beaucoup de chanteurs ont des problèmes, parce qu’ils chantent tous de la même façon. Pour ne pas dire de la même manière. Ils ont des problèmes pour trouver de nouvelles mélodies, trouver des sources d’inspiration, etc. Donc, il faut savoir que c’est un métier difficile », fait valoir cet auteur compositeur, considéré comme un des plus grands paroliers de la scène musicale sénégalaise.

Selon lui, il n’y a « plus de recherche » dans la musique sénégalaise, les musiciens ne cherchant « que de l’argent. Ce n’est plus comme avant où les gens s’enfermaient durant des mois pour faire des recherches ».

« Il n’y a plus de recherche. Il suffit d’avoir une belle voix et on t’enregistre alors que tu ne connais pas la musique. Et c’est vraiment un problème », déplore l’ancien chanteur du Xalam, un groupe sénégalais mythique des années 1970-80.

« Nous, on faisait des recherches pendant des années. On nous prenait pour des fous parce qu’on n’avait pas de quoi manger. On dormait par terre. On se nourrissait de pain et d’arachide grillée », se souvient-il.

Il ajoute : « On s’isole pour faire des recherches. C’est cela qui a donné naissance au Xalam et au Touré Kunda. Ce sont des gens qui ont énormément galéré. Ils ont vraiment rampé pour atteindre le haut niveau. Ils se sont retirés et se sont isolés du monde pour pouvoir sortir quelque chose d’indémodable. »

« En revanche, poursuit Souleymane Faye, aujourd’hui, les jeunes aiment trop l’argent et les belles femmes. On ne peut pas vouloir bien étudier et aimer autant l’argent et la femme. Ce n’est pas possible ».

Selon lui, les jeunes musiciens « sont trop pressés de se marier et de gagner de l’argent », alors qu’une fois marié, « on a des responsabilités et il faut assurer la dépense quotidienne ».

« On pense plus à la survie qu’à la musique » dans ces conditions. « Même en allant aux répétitions, dit-il, on ne peut pas se concentrer sur ses notes et partitions, car on n’a rien laissé à la maison ».