Sri Lanka: la crise politique s’aggrave malgré la démission du Premier ministre

Sri Lanka: la crise politique s'aggrave malgré la démission du Premier ministre

La crise politique s’aggrave au Sri Lanka. Ce lundi 9 mai après des affrontements mortels entre partisans du pouvoir et opposants, le Premier ministre Mahinda Rajapaksa a démissionné. Depuis des mois, l’île vit une crise sans précédent, imputée à la pandémie de Covid-19 qui a privé le pays des devises du secteur touristique, et aggravée par une série de mauvaises décisions politiques, selon des économistes. Un couvre-feu immédiat et d’une durée indéterminée a été décrété par les autorités.

Le Sri Lanka s’enfonce dans la violence. L’armée a évacué ce mardi 10 mai avant l’aube le Premier ministre démissionnaire Mahinda Rajapaksa de sa résidence officielle à Colombo, pour le placer en lieu sûr après que des milliers de manifestants ont forcé un des portails du complexe.

« Mon père est en sécurité, il se trouve dans un endroit sûr et il communique avec la famille », a déclaré son fils, Namal Rajapaksa. Avocat de formation, âgé de 35 ans, il est le descendant que la dynastie familiale avait préparé à prendre un jour les commandes du pays. « De nombreuses rumeurs disent que nous allons partir. Nous ne quitterons pas le pays », a-t-il insisté, qualifiant la colère nationale manifestée à l’encontre de sa famille de « mauvaise passe ».

La journée de lundi avait été marquée par les violences les plus graves qu’ait connu le pays, depuis le début des manifestations populaires demandant la démission du président, rapporte notre correspondant dans la région, Sébastien Farcis. En milieu de journée, lundi, des partisans du Premier ministre ont attaqué les manifestants pacifiques, entrainant une escalade de violences qui a enflammé tout le pays, et poussé le Premier ministre à présenter sa démission à son frère et président Gotabaya Rajapaksa. Mais les tensions sont restées très vives, dans la capitale Colombo et dans d’autres villes du pays.

Tabassages
Tout a commencé quand des centaines de militants du parti au pouvoir, venus de la campagne, ont foncé sur les manifestants qui campaient pacifiquement devant la résidence du président, au centre de Colombo et les ont tabassés à coups de matraque. La police n’a rien fait pour les empêcher, voire les a protégés quand les manifestants ont répliqué.

L’attaque a libéré la rage des manifestants contre la dynastie au pouvoir des Rajapakse, contenue depuis un mois : dans la nuit, ils ont brûlé une dizaine de maisons de députés proches du pouvoir et l’une de celles des Rajapakse.
Les violences ne se déroulent pas seulement dans la capitale. À une cinquantaine de kilomètres au nord, un député du parti au pouvoir s’est suicidé après avoir ouvert le feu sur deux manifestants anti-gouvernementaux qui bloquaient sa voiture. Dans le sud du Sri Lanka, un autre député du parti au pouvoir a également tiré sur des protestataires. Deux d’entre eux sont morts sur le coup. En tout, cinq personnes ont été tuées et 150 autres blessées.

Appel à la démission du président
Pour Mathiaparanan Abraham Sumanthiran, député d’opposition de l’Alliance nationale tamoule (Tamil National Alliance, TNA), la solution à la crise passe par la chute totale du clan cinghalais des Rajapaksa au pouvoir, à savoir la démission de Gotabaya Rajapaksa, président et frère du Premier ministre : « Je pense que le président doit démissionner immédiatement, affirme-t-il. Jusqu’à ce que cela se produise, la crise ne se terminera pas. Cela fait 31 jours que des manifestants pacifiques appellent le président à la démission. Ces manifestants n’ont perpétré aucune violence jusqu’à ce lundi, où la violence a été perpétrée contre eux. […] Les heurts se multiplient. Je le répète, la cause principale de cette crise, c’est le président, et il doit démissionner immédiatement. »

Alors que le président condamne les violences commises par les manifestants, l’ambassade des États-Unis à Colombo a dénoncé les violences perpétrées contre des protestataires pacifiques. Un couvre-feu national a été imposé, en plus de l’état d’urgence instauré depuis ce week-end, qui offre à l’armée davantage de pouvoirs, mais certains manifestants semblaient lundi soir trop en colère pour respecter ces mesures. Les Sri Lankais réclament depuis des mois la démission de l’exécutif, accusé d’avoir mené le pays dans le mur à la suite de la pandémie.

« Pas assez de dollars »
« Ils n’ont pas assez de dollars pour acheter des produits de première nécessité comme l’essence, des médicaments et de la nourriture, explique Giacomo Mantovan, spécialiste du Sri Lanka au Centre de recherche en anthropologie de Lisbonne, joint par Vincent Souriau. Donc, il y a des pénuries qui affectent beaucoup la population. Le mois passé, le Sri Lanka a déclaré au Fonds monétaire international qu’il n’est plus dans la mesure de rembourser la dette externe, il a fait défaut. Le Covid-19 avait déjà beaucoup affecté l’île sur le plan sanitaire, mais surtout sur le plan économique, parce que le Sri Lanka vit du tourisme. C’est la première source de revenus pour les Sri Lankais. Deux ans sans tourisme, cela a beaucoup affecté le Sri Lanka. Cela fait quelques mois qu’ont commencé ces manifestations. Ils ont fait une grève générale énorme avec une participation massive. »

(avec AFP)