Avec un endettement à 63,3% du PIB, le Sénégal n’a plus une marge de manœuvre suffisante pour emprunter à sa guise. Le Fonds monétaire international (FMI) a rappelé au pays de la Teranga les règles de prudence à suivre pour éviter de sombrer.
Pour le financement de ses projets, le Sénégal se voit fixer des limites qu’il ne faut pas dépasser d’ici à décembre 2020. Dans le document officiel publié par le FMI, les limites ont été clairement fixées. Le Sénégal ne devra plus contracter une dette de plus de 449 milliards FCFA d’ici à décembre 2020. Le montant de la dette publique nominale totale qui se chiffrait à 9114 milliards F CFA en décembre 2019, ne doit pas dépasser 9563 milliards FCFA.
Cette «contrainte» est un coup dur pour un gouvernement sénégalais qui, il y a quelques semaines, mettait en avant une «performance» économique qui l’aurait fait passer de pays à risque faible, à un risque modéré de surendettement. A croire que l’analyse du FMI, en prélude au nouveau programme de l’Instrument de coordination des politiques économiques (ICPE), et celle sur laquelle Dakar fonde son état des lieux n’ont pas pour origine les mêmes indicateurs de performance !
Depuis 2014, le gouvernement met en œuvre le Plan pour le Sénégal émergent (PSE), qui représente plus de 7 milliards de dollars US d’engagements financiers, comprenant les infrastructures, l’agriculture, les mines et le tourisme. Avec l’aide du FMI, le pays mène une politique d’assainissement budgétaire visant à réduire le déficit et à contrôler la trajectoire de la dette.
La dette a augmenté rapidement ces derniers temps, le Trésor finançant le déficit de la Poste et de la Caisse de retraite de la fonction publique. Les taux de croissance projetés par le FMI pour 2019 et 2020 sont respectivement de 6,7% et 6,8%. La gestion budgétaire s’est traduite par un déficit de 3,5% du PIB en 2018, en hausse par rapport aux 3% de 2017, financé principalement par des émissions d’euro-obligations. Le ratio dette extérieure / PIB totale s’élevait à 62,9% en 2018, contre 64,2% en 2017. L’inflation – qui ne devait être que de 0,4% – s’est établie à 1,4% en 2018, en légère hausse par rapport à 2017, sous l’effet d’une campagne agricole favorable et d’une politique monétaire prudente. En 2019 et 2020, il devrait augmenter légèrement autour de 0,9% et de 1,5%, selon le FMI.
Le déficit de la balance courante est passé de 7,3% du PIB en 2017 à 6,9% en 2018, grâce à la hausse des exportations – principalement agricoles et de la pêche – et la baisse des importations. La zone économique internationale intégrée de Dakar (DIIEZ), pôle logistique et industriel situé à proximité de l’aéroport Blaise Diagne, a été inaugurée fin 2017.
Plusieurs défis à relever
Le pays doit relever plusieurs défis : le réseau électrique défectueux constitue un obstacle à la croissance économique; la croissance de la dette non concessionnelle constitue un risque à moyen terme ; le progrès social est long à venir alors que le mécontentement grandit. Les estimations positives pour les années à venir sont soumises à des risques, notamment à la hausse des prix du pétrole. Cependant, le Sénégal pourrait devenir un pays producteur de pétrole et de gaz d’ici 2022. L’accumulation d’arriérés intérieurs, qui pourrait ralentir les travaux de construction, ainsi que l’augmentation des dépenses courantes résultant des revendications sociales caractéristiques d’une année électorale, constituent d’autres risques.
Mais l’un des contrecoups dont l’Etat devra faire face pour amortir le choc, c’est le plafonnement de la dette publique nominale totale. Une exigence qui fait partie des cibles quantitatives fixées par le FMI. Avec cette nouvelle mesure prise par le FMI à l’encontre de l’Etat du Sénégal, les risques encourus sont réels et tangibles. Le premier est cette limitation de la marge de manœuvre citée plus haut qui risque d’hypothéquer certains projets inscrits dans l’agenda de l’Emergence. Pour combler le manque à gagner en ressources financières, Dakar pourrait être tenté d’augmenter la pression fiscale sur les entreprises, au risque de nuire au bon développement de celles-ci. Les autres risques inhérents à cette situation de surendettement sont liés à un possible problème de liquidité et à une dégradation de l’image d’un pays qui a le mérite d’entreprendre pour sortir de la précarité économique, avec une population dont près de 50% vit sous le seuil de pauvreté.
Le Sénégal connaît une croissance économique solide ces dernières années, parmi les plus élevées de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA). Les réformes structurelles ont permis une modification importante du paysage économique du pays, notamment grâce aux privatisations de nombreuses entreprises publiques dans la filière agricole et dans les infrastructures.
Selon la Banque mondiale, le taux de chômage du Sénégal était de 4,8% en 2017 et il est resté inchangé en 2018. Le Sénégal a également un très faible taux d’alphabétisation (39%), qui est encore plus bas lorsque seules les femmes sont prises en compte, le pays affichant l’un des plus mauvais taux d’alphabétisation féminin en Afrique, à seulement 29%. Le manque d’eau potable et les mauvaises conditions sanitaires sont également des problèmes majeurs dans le pays, en particulier dans les zones surpeuplées des grandes villes et des zones rurales.