Talibés victimes d’abus physiques et sexuels: Un deuxième rapport enfonce le clou

Après Human right Watch, un nouveau rapport d’Ecpat International en partenariat avec la Coalition nationale des associations et Ong en faveur de l’enfance (Conafe), signale qu’au Sénégal, la mendicité forcée et le travail forcé créent un cadre abusif facilitant l’exploitation sexuelle des enfants.
D’après le rapport, note “Libération”, des garçons « talibés » placés dans des écoles coraniques (« daaras ») sont victimes des agissements de « marabouts » corrompus, les obligeant à mendier dans la rue. D’après les sources citées, la plupart des enfants talibés sont sénégalais, mais certains viennent de Gambie, de Guinée, de Guinée-Bissau et du Mali.

En 2014, 39 000 talibés ont été contraints de mendier à Dakar et dans la région de Saint-Louis – et certains ont été abusés physiquement et sexuellement dans les daaras où ils vivaient. En 2017, cinq cas d’abus sexuels ou de tentatives d’abus sexuels d’enfants talibés commis par des marabouts ou leurs assistants, ont été rapportés.

Le rapport met en avant la situation des travailleuses domestiques mineures (« mbidaan ») qui sont vulnérables à l’exploitation sexuelle à des fins de prostitution. Originaires de milieux défavorisés, elles migrent vers les villes de façon temporaire ou permanente, pour travailler et supporter financièrement leurs familles.

Confinées chez leur employeur, beaucoup effectuent de longues journées de travail dans des conditions précaires. D’après les sources citées dans ce rapport, elles sont souvent victimes de violences sexuelles ou exploitées à des fins de prostitution, par l’intermédiaire de leur employeur. Le rapport averti aussi sur les possibles dérives de la pratique non réglementée du « confiage » qui consiste à placer un enfant chez un tiers, et peut conduire certaines filles placées à travailler comme domestiques.

Le rapport cite aussi des cas, recensés par les médias, de filles victimes de traite à des fins d’exploitation sexuelle au Moyen-Orient et au Maghreb. Des réseaux d’agences illégales de recrutement de travailleuses domestiques mettent en contact ces jeunes Sénégalaises dont certaines sont mineures, avec des clients dans ces pays. Une fois sur place, leur passeport et leur téléphone portable leur sont confisqués. Elles sont alors vulnérables à la servitude
domestique et aux abus sexuels commis par leurs employeurs.

Le rapport indique que l’application effective des lois punissant les agresseurs sexuels est limitée, ce qui peut nuire à l’accès à la réparation des enfants victimes. En 2019, malgré l’augmentation au niveau national des arrestations et des poursuites judiciaires de maîtres coraniques pour abus ou exploitation d’enfants, les enquêtes ont souvent été abandonnées ou les chefs d’accusation ont été réduits. De plus, l’absence de loi encadrant les daaras nuit à la lutte contre la mendicité forcée et à la réintégration des enfants talibés.

Un projet de loi sur le statut des daaras a été validé en 2018 en Conseil des ministres et doit encore être soumis au parlement pour adoption. Il définit les mesures d’inspection des écoles coraniques mais ne contient aucune interdiction explicite de la mendicité forcée.

Par ailleurs, le rapport note que le Droit sénégalais ne protège pas suffisamment les victimes des mariages précoces bien que ce problème reste répandu, créant ainsi un cadre propice à la victimisation sexuelle des filles. Le Code de la famille ne prévoit pas la nullité du mariage avec une fille âgée de 16 à 18 ans, sauf dans certains cas mentionnés à l’article 138.
D’après le Code pénal, le mariage et les rapports sexuels dans le cadre d’un mariage avec un mineur de plus de 13 ans, ne constitue pas une infraction pénale.