Un reportage d’une élue locale de Gorée qui tourne presque au racket. Cela s’est passé avec des journalistes du magazine «Jeune Afrique», à qui il a été demandé de payer 200 mille Francs Cfa pour avoir pris des photos sur l’île. L’ennui est que le montant ne figure pas dans le texte de délibération qui fixe les taxes sur les prises de vue sur l’île.
Des confrères du magazine panafricain Jeune Afrique ont vécu hier une grosse mésaventure, qui montre la nécessité de clarifier certaines décisions que prennent les autorités dans ce pays.
D’après « Le quotidien », partis pour un échange avec l’architecte Annie Jouga dans le cadre d’un reportage, la journaliste Marième Soumaré et son photographe, Sylvain Charkaoui, se sont retrouvés empêchés de quitter l’île de Gorée, s’ils ne s’acquittaient pas d’une taxe de… 200 000 francs Cfa !
Ladite taxe serait justifiée par des photos qu’ils auraient prises, notamment de Mme Jouga qui, en passant, se trouve être l’une des adjointes au maire de Gorée.
Marième Soumaré a expliqué que dans la préparation de son reportage, dont elle avait de manière claire indiqué le motif, elle s’était informée s’il était besoin de s’acquitter de droits pour des prises de vue, destinées à illustrer son article pour son magazine.
Au cours des échanges, il lui a été envoyé le document portant «délibération fixant les taux, les modalités d’assiette et de perception de la taxe sur les spectacles, jeux et divertissements».
Le document indique, en son article premier, que les photographes professionnels qui voudraient prendre des vues sur l’île, devraient s’acquitter soit «d’une taxe forfaitaire de 10 mille francs Cfa par mois», ou «pour la couverture d’un évènement ponctuel sur le territoire communal», d’une taxe forfaitaire de 5000 francs Cfa par jour.
Les reporters de Jeune Afrique étaient dans l’état d’esprit qu’à la rigueur, il leur serait demandé de payer les 5000 francs Cfa indiqués dans la délibération. Grande a donc été leur surprise quand il leur a été signifié, par des agents municipaux, qu’ils devaient payer…15 000 francs Cfa !
Devant leurs protestations, les agents ont porté le montant à régler à 200 000. Marième Soumaré indique que «les agents nous ont empêchés de prendre la chaloupe, nous disant que nous ne pourrions quitter Gorée qu’après avoir payé ce montant».
Or, ledit montant n’est pas répertorié dans la délibération, qui sert de base juridique à ladite taxe. La délibération demande un «montant qui ne puisse être inférieur à 250 000 francs Cfa», pour «les tournages et/ou prises d’images destinés à une exploitation cinématographique, séances de tournage d’émission de télévision, de films documentaires, de vidéoclips, de spectacles avec attraction…».
Bref, toutes choses loin d’un reportage-photos pour un hebdomadaire, devenu depuis l’explosion du Covid-19, un mensuel… Et nulle part n’est spécifiée une taxe de 200 mille Cfa !
De guerre lasse, Marième Soumaré a dû contacter sa rédaction à Paris en urgence, pour que cette dernière s’engage à payer le montant, afin de laisser partir les reporters.
Mehdi Ba, un ancien représentant de JA à Dakar, qui se trouve également dans la capitale sénégalaise pour des reportages, s’est scandalisé de ce qu’il considère comme «un racket indigne du Sénégal et de la ville de Gorée», ajoutant que même dans des pays moins connus pour leur liberté d’expression, il n’a jamais vu une situation de ce type.
Contacté par Le Quotidien, le maire de Gorée, Me Augustin Senghor, a indiqué que «ce n’est pas une nouveauté», et qu’il y a «bien une redevance qui est perçue par la collectivité sur les prises de vue du patrimoine communal, par le régisseur des recettes».
Il a ajouté par message whatsApp, que la journaliste de JA savait qu’elle devait payer des droits pour des images prises à Gorée. Il ne s’est par contre, pas prononcé sur les différences de montants, entre ce qui est écrit dans la délibération, et ce qui a été imposé aux journalistes.
Il n’a de même, rien répondu à la question de savoir si ce «traitement » était spécifique à la presse étrangère ou pas. La question se justifiait pourtant, quand on sait la différence de traitement qui est réservée à Gorée, aux visiteurs, qu’ils soient nationaux, résidents ou juste de passage. Ces personnes ne paient pas les mêmes tarifs pour les services de la municipalité, ou même la chaloupe.