Ce deuxième scrutin municipal fut le bon. Istanbul a basculé dans l’opposition après l’élection dimanche d’Ekrem Imamoglu. Ce dernier a remporté le scrutin avec 800 000 voix de plus que son adversaire de l’AKP, l’ancien Premier ministre Binali Yildirim, soutenu par le président Recep Tayyip Erdogan. Est-ce pour autant une nouvelle ère politique qui s’ouvre ?
Avec notre correspondante à Istanbul, Anne Andlauer et notre envoyée spéciale, Anissa El Jabri
Ekrem Imamoglu l’a emporté dimanche 23 juin avec 54% des voix contre près 45% pour Binali Yildirim. Le taux de participation, 84%, est resté inchangé entre les deux scrutins, mais le candidat du pouvoir, Binali Yildirim, a perdu plus de 220 000 voix entre l’élection de mars et celle d’hier.
Non seulement l’AKP, le parti du président Erdogan, a échoué à mobiliser les électeurs déçus qui n’étaient pas allés voter la dernière fois mais il y a eu à l’évidence un report de voix important du pouvoir vers l’opposition.
Ekrem Imamolou a sans doute bénéficié du sentiment d’injustice qu’avait suscité très au-delà de son propre camp, l’invalidation de sa première victoire, le 31 mars dernier : sur les trente-neuf arrondissements d’Istanbul, treize ont basculé dans l’escarcelle de l’opposition entre les deux scrutins.
Elu maire, Ekrem Imamoglu a joué l’apaisement mais l’AKP, majoritaire au Conseil municipal, peut avoir la tentation de mener une guerre d’usure.
Une barrière psychologique vient de tomber
Pour cette opposition, qui depuis dix-sept ans enchaînait défaite sur défaite face à Recep Tayyip Erdogan, cette victoire signifie beaucoup plus que la prise d’une grande ville car elle casse le cercle vicieux du défaitisme, qui consistait à dire qu’en Turquie, quelle que soit l’élection, quelle que soit la campagne, à la fin c’est toujours Erdogan qui gagne.
« Une défaite de l’AKP pourrait marquer son déclin », selon Nicolas Monceau
Cette fois, l’opposition a vu que la victoire était possible et que Recep Tayyip Erdogan pouvait concéder une défaite. Cela peut paraître évident, mais après l’annulation du scrutin du 31 mars pour des motifs plus que douteux, beaucoup parmi les opposants se demandaient si le chef de l’État, en cas de défaite, n’allait pas trouver un prétexte pour faire invalider, une fois de plus, l’élection. La victoire sans appel de l’opposition ne lui en a pas laissé le choix.
En attendant, si le président Erdogan est fragilisé, la répression continue. Ce lundi en Turquie s’ouvrent deux procès, dont celui des manifestants de Gezi. Six ans après ce printemps contestataire, ils risquent la prison à vie.
Rfi