« Macky Sall, c’est mon frère ». Cette phrase de Umaru Embalo sur la nature de ses relations avec le président sénégalais, semble se confirmer par les actes. Les deux hommes sont bizarrement en visite en Turquie, arrivés à quelques heures d’intervalle et accueillis par le Recep Tayyip Erdogan. Le premier entrepreneur turc, n’a pas pardonné l’octroi du contrat de construction du nouvel aéroport de Bissau à une entreprise Emirati, est-ce pour recoller les morceaux ou même parler de cession des blocs pétroliers litigieux en Casamance qui vont bientôt être exploités. Macky va-t-il rassurer Erdogan sur le choix du « général »?
Arrivé à Istanbul hier vendredi dans la mi journée en Turquie, pour une visite officielle à l’invitation du président Recep Tayyip Erdoğan, Umaru Embalo qui sera suivi dans la capitale turque par son frère Macky Sall, n’était plus en odeur de sainteté auprès du Sultan d’Istanbul.
Des séjours suspects selon plusieurs acteurs de la société Bissau guinéenne. En effet, pour ces derniers, un séjour simultané des deux dirigeants en Turquie ne peut augurer rien de positif pour la Guinée lusophone. « Après avoir promis la construction du nouvel aéroport à la Turquie avant d’octroyer le contrat à un groupe émirati, Umaru Embalo n’a pas d’autres solutions sinon, offrir quelque chose de plus consistant à Erdogan qui l’avait soutenu », déclare Cipriano Ndaye, un membre du PRS.
Pour Bacari Cande de l’APU-MDGB du Premier ministre Nuno Nabiam, « Rien qu’a voir l’activisme du président sur les ressources pétrolières qui font l’objet d’une cogestion entre le Sénégal et la Guinée Bissau, tout indique que Umaru Embalo va brader nos richesses au premier venu. Et aujourd’hui, face aux difficultés de gérer seul ce dossier, ne soyons pas surpris que la corruption prenne plus d’ampleur auprès de ces hauts fonctionnaires ou élus pour permettre au « général » de décider seul ».
« Macky Sall et Umaru Embalo autour de la table du président Erdogan, ce n’est point un hasard, au contraire il faut y voir un bradage des ressources naturelles dans les prochains jours. Après le coup de l’aéroport cédé eaux EAU, Erdogan va faire payer cher son soutien », renseigne Sanha Djalô de la coalition MADEM G-15
Depuis son installation à la tête de la Guinée Bissau par la CEDEAO alors que le contentieux électoral était pendant devant la Cour Suprême, Umaru Embalo avait mis en avant son intérêt particulier sur les ressources pétrolières qui opposent le Sénégal et Bissau. Il n’avait pas caché sa volonté de signer un accord jusqu’au jour où le ministre sénégalais de l’économie Amadou Hott, en séjour à Bissau, avait mis le pied dans le plat en déclarant que Umaru Embalo avait déjà signé un accord pour l’exploitation du pétrole.
Le « général » qui ne s’attendait pas à un tel coup de traîtrise, avait démenti la signature d’un quelconque accord. Car, pour rappel, en Guinée Bissau les accords sont soumis à l’assemblée nationale avant d’être paraphé par le chef du gouvernement et le président de la république. « Dans sa précipitation, Umaru Embalo et ses soutiens n’ont pas bien regardé la Constitution de notre pays qui est de loin différente de celles de la Gambie et du Sénégal où le président est comme un monarque. Ici, tout est contrôlé par l’assemblée nationale », renseigne Bacari Cande un proche du PM Nuno Nabiam.
Construction d’un nouvel aéroport par la Turquie acquise depuis 2019 par le PM Aristides Gomes avant d’être confirmé par la ministre des affaires étrangères Suzy Barbosa en septembre 2020. Umaru Embalo dribble Ankara et cède le contrat aux Émirats Arabes Unis, pire ennemi de Erdogan
C’est le 1er décembre 2020 quand, contre toute attente, Umaru Embalo a décidé de donner le contrat de construction du nouvel aéroport à une société Emirati. Et pourtant, activement soutenu par la diplomatie turque depuis son élection il y a un an, le président bissau-guinéen Umaro Sissoco Embaló n’a pas renvoyé l’ascenseur à Ankara, préférant un opérateur émirati plutôt qu’un conglomérat turc pour la construction du futur aéroport de Bissau.
Pourtant, quelques mois auparavant, le 10 septembre de la même année, la ministre bissau-guinéenne des Affaires étrangères, Suzy Barbosa, à l’issue de la visite de deux jours (du 9 au 10 septembre) de son homologue turc Mevlut Çavuşoğlu, avait confirmé le choix de Ankara lors de cette visite qui a abouti à la signature d’un accord de coopération dans plusieurs secteurs.
Pour rappel, en décembre 2019, le Premier ministre Aristides Gomes en visite en Turquie avait obtenu du président Erdogan un soutien dans la construction d’un nouvel aéroport international. Mieux, le chef du gouvernement bissau-guinéen Aristides Gomes avait fait savoir que cette annonce lui avait été faite au cours d’une rencontre avec le président turc Recep Tayyip Erdogan en marge de la Conférence de haut niveau de l’Organisation de la coopération islamique (OCI) sur l’investissement public et privé, qui s’est tenue la semaine dernière à Istanbul, en Turquie.
Cerise sur le gâteau, Ankara s’était prononcé pour la Turquie d’ouvrir une ambassade à Bissau, ainsi qu’une ligne de crédit pour les investissements publics-privés en Guinée-Bissau.
Cheikh Saadbou Diarra