Les Stambouliotes sont appelés à revoter ce 23 juin après l’annulation du résultat qui donnait victorieux un opposant à Recep Tayyip Erdogan. La mégalopole représente un enjeu majeur pour le président turc qui y mène une politique de grands travaux, avec notamment un projet-phare : le « canal Istanbul ».
Avec notre envoyée spéciale à Istanbul, Anissa El Jabri
Les habitants d’Istanbul sont à nouveau appelés à élire leur maire ce 23 juin après l’annulation d’un premier scrutin remporté par un opposant au président Recep Tayyip Erdogan, pour qui ce deuxième round débouchera sur une victoire controversée ou un cinglant revers.
Dans le deuxième cas, cela constituerait surtout un obstacle pour certains de ses projets, comme ses grands travaux pharaoniques. Construire partout des ouvrages gigantesques représente pour Erdogan une manière d’imprimer sa marque et de façonner le pays à son image, notamment à Istanbul, cœur battant du pays, tremplin et vitrine de sa carrière.
Après le gigantesque aéroport, l’homme fort du pays projette de créer le « canal Istanbul », pour relier les mers Noire et de Marmara : un deuxième canal du Bosphore en somme. Ce gigantesque projet estimé à plusieurs dizaines de milliards d’euros est contesté pour les dommages environnementaux qu’il pourrait créer.
Projet gouvernemental
Car pour construire le « canal Istanbul », tout au nord de cette mégapole de 16 millions d’habitants, le gouvernement met en avant le trop grand nombre de bateaux sur le Bosphore et la circulation devenue impossible. Mais « Istanbul est déjà une ville au développement anarchique », juge Ersin Kiris, ingénieur urbaniste pour qui ce chantier serait destructeur.
« Seul le nord a encore des forêts et de l’eau avec notamment un lac important de 736 kilomètres carrés qui fournit 20% de la consommation d’eau de la ville, poursuit-il. Cette zone fait que la ville peut encore respirer. Elle a déjà été très abimée avec énormément de constructions comme l’aéroport. Des millions d’arbres ont été coupés mais avec ce canal, on causerait des dommages irréversibles tout particulièrement aux réserves d’eau souterraine ».
Dans cette zone également, des fermes avaient échappé aux bulldozers après la construction d’une autoroute et de l’aéroport géant. On ne sait pas quand le premier coup de pioche pourrait être donné. Pour le candidat de l’opposition, le « canal Istanbul » est inutile. Même élu, Ekrem Imamoglu aurait cependant du mal à l’empêcher, car il s’agit d’un projet du gouvernement.
►À (ré)écouter : Le canal du Bosphore, dernier grand chantier d’Erdogan à Istanbul
Qui est le candidat d’Erdogan à Istanbul ?
Ekrem Imamoglu affronte ce 23 juin le poulain d’Erdogan, Binali Yildirim, un éternel numéro 2 qui a bien du mal à endosser le costume de premier.
Binali Yildrim cultive une image d’oncle sympathique. Moustache en brosse, sourire facile, issu d’une famille pieuse, ultra-conservateur et compagnon de route de la première heure d’Erdogan, il a tout pour séduire la base électorale de l’ AKP. Même son manque de charisme et sa campagne laborieuse ont longtemps renvoyé l’image d’un homme de devoir.
Mais Binali Yildirim ne recule devant rien. La nuit du premier scrutin, avant même la proclamation des résultats officiels, le fidèle lieutenant avait fait placarder des affiches dans tout Istanbul dans lesquels il remerciait pour son élection à la mairie.
Le serviteur loyal issu d »une famille très pauvre s’est aussi considérablement enrichi. Selon le quotidien Cumhuriyet, Yildirim le débonnaire et sa famille possèdent 17 compagnies, 28 bateaux et deux yachts. Ses fils auraient des liens avec des sociétés offshore à Malte. Évoquer ce sujet a valu à une journaliste une condamnation à un an de prison il y a quelques mois.
rfi