Les prochaines élections générales en Bosnie-Herzégovine n’auront lieu qu’au mois d’octobre, mais le débat politique se tend déjà, tandis que de mauvais bruits de bottes se font entendre. Les nationalistes croates réclament la création d’une entité autonome, tandis que le dirigeant serbe Milorad Dodik multiplie les provocations.
En Bosnie-Herzégovine, beaucoup de gens en parlent, avec plus d’insistance que jamais depuis la fin des combats dans le pays, en 1995, même si cette hypothèse paraît bien peu réaliste. En réalité, la Bosnie-Herzégovine ne sort pas d’une éternelle crise politique, les oligarchies nationalistes qui dominent les trois communautés nationales du pays – les Bosniaques, les Serbes et les Croates – ont en permanence besoin de jouer le jeu des provocations et de la surenchère pour maintenir leur propre pouvoir, en excitant les peurs.
L’actuelle escalade verbale s’inscrit déjà dans le contexte de la préparation des prochaines élections générales, qui ne sont pourtant prévues qu’en octobre prochain. Dernier épisode en date, Milorad Dodik, le tout-puissant président de la Republika Srpska, l’entité serbe du pays, a apporté, il y a quelques jours, son soutien à la revendication des nationalistes croates qui réclament la création d’une « troisième entité », qui achèverait la confédéralisation du pays.
L’Etat de Bosnie-Herzégovine est toujours divisé selon des lignes ethniques.
C’est une conséquence des accords de Dayton, qui ont mis fin à la guerre, en décembre 1995, mais en dotant le pays des institutions les plus compliquées du monde. La Bosnie-Herzégovine est divisée en deux entités, la Republika Srpska, et la Fédération croato-bosniaque, elle-même subdivisée en dix cantons, dominés tantôt par les nationalistes bosniaques, tantôt par les Croates… Le HDZ, le parti nationaliste croate, voudrait obtenir la reconnaissance de cette troisième entité qui réunirait les cantons où les Croates sont majoritaires.
Le HDZ réclame également une modification de la loi électorale, qui renforcerait encore plus le caractère ethnique de la représentation politique. Milorad Dodik apporte un soutien tactique aux revendications croates, car il y voit un moyen d’affaiblir les institutions centrales. Pour leur part, les mouvements qui se réclament d’une option citoyenne, comme le Parti social-démocrate, sont plus faibles que jamais, et semblent bien peu à même d’incarner une alternative crédible.
Milorad Dodik, qui s’est beaucoup réjoui de la réélection de Vladimir Poutine, se targue du soutien russe.
L’homme fort de la Republika Srpska multiplie, en effet, les provocations. Le mois dernier, il a annoncé l’achat de 2 500 armes automatiques à la Russie pour équiper la police autonome de cette entité. En réalité, c’est surtout le symbole qui compte, car les armes ne manquent pas dans la région, qui en produit toujours et en exporte massivement, légalement ou non.
Tandis que des rumeurs circulent également depuis quelques semaines sur la création d’unités paramilitaires serbes, Milorad Dodik surjoue en permanence le soutien dont il jouirait de la part de Moscou, à la fois pour homogénéiser son propre camp, pour marquer son indépendance relative par rapport à Belgrade, mais surtout pour effrayer les autres communautés du pays ainsi que les Occidentaux. Bien sûr, il n’a pas manqué de saluer la victoire de Vladimir Poutine, et les rumeurs de guerre sont une manière commode d’escamoter le débat sur la corruption galopante, les privatisations frauduleuses et l’exode massif des jeunes diplômés qui, toutes communautés confondues, tentent d’aller construire leur vie à l’étranger.
rfi