UNE VIE, UN VÉCU : Doudou Ndiaye Rose, un monument inoubliable

C’est pour magnifier son œuvre colossale qu’a été prise récemment la décision d’en faire le parrain du Grand Théâtre national du Sénégal. Doudou Ndiaye Rose est en effet l’un des musiciens africains les plus célèbres du 20ème siècle. Menu mais d’un dynamisme indescriptible, le musicien aura réussi à rendre consommable l’art traditionnel sénégalais à travers l’Afrique et le monde. Malgré la révolution connue avec l’avènement des derniers instruments de musique favorisant l’expansion d’autres genres musicaux, le plus grand percussionniste sénégalais a su résister avec son « sabar » qu’il finira par imposer au reste du monde. Sa vie d’artiste et son vécu d’ambassadeur de notre pays sur le plan musical plaident en faveur de l’immortalisation du percussionniste dont les productions sont plus que jamais vivantes.
Doudou Ndiaye Rose est né le 28 juillet 1930 à Dakar, dans le quartier de l’actuel Médina. Issu d’une famille de grands griots, c’est dès sa prime jeunesse qu’il s’essaiera très au tambour. Malgré les réticences de son père, le jeune Mamadou Ndiaye (tel est son vrai nom) parviendra tout de même à se frayer un chemin et suivre sa passion que le destin a bien voulu lui faire don. Elément déclencheur d’une carrière prometteuse : sa rencontre à l’âge de 7 ans, avec El Hadj Mada Seck considéré alors comme le meilleur tambour-major du pays. Ainsi évoluera-t-il pendant de longues années auprès de ce maître dans le dessein de maîtriser les secrets de l’art, l’art d’insuffler des émotions aux tambours.

Par la magie du cinéma qui était très influent à l’époque, Doudou Ndiaye Rose découvre l’orchestre symphonique, les cinquante violons et violoncelles qui accompagnent le chanteur dans les films de Tino Rossi dans les années 50. Tombé sous le charme dudit orchestre, il rêve ainsi de faire autant ou mieux, détenir un grand orchestre dans son pays. Il se donnera les moyens de son ambition à travers le travail sans relâche et réussira à réaliser ce cher vœu à partir du 4 avril 1960 lorsqu’il aura le privilège de jouer devant le président Senghor, à l’occasion des premières festivités célébrant l’indépendance du Sénégal.

Cet honneur et ce privilège de jouer en un moment si solennel relève du mérite de l’homme dont le nom finit par se confondre aux rythmes des tambours. Depuis 1960 en effet, Doudou Ndiaye- et sa famille après sa disparition- continue de gratifier au public d’une chorégraphie des majorettes du lycée John Fitzgerald Kennedy, donnant ainsi plus de couleur aux célébrations du 4 avril à la place de l’indépendance.

Une telle maîtrise de l’art des tambours ne doit pas servir que son auteur. Voilà pourquoi Doudou Ndiaye Rose va se consacrer à la transmission et à son partage. Il exercera ainsi comme pédagogue rythmique à l’institut national des arts de Dakar et deviendra chef-tambour des Ballets nationaux. L’excellent tambour major fera rayonner le « sabar », ce genre musical bien sénégalais à l’international, notamment lors du festival Nancy Jazz Pulsations en 1986. A partir de ce moment, le grand maître du tambour va collaborer dans beaucoup de grandes productions, cinémas y compris.

Au terme d’une carrière réussie à tous les niveaux, Doudou Ndiaye Rose qui aura créé des centaines de rythme sera particulièrement distingué au Sénégal et dans le reste du monde. Il créé la première école de percussion à Dakar et forme pour la première fois des femmes percussionnistes. En 2006, l’UNESCO le désigne trésor humain vivant en raison de son vécu inestimable.

A sa mort à Dakar, le 19 août 2015, les témoignages sont unanimes. Le ministre de la culture d’alors Mbagnick Ndiaye déplorera la perte d’ « un monument, un artiste talentueux, un virtuose du tam-tam qui a marqué, de manière indélébile la scène artistique pendant de longues années ». Disparu à l’âge de 85 ans, la grandeur de l’homme n’avait d’égal que son amour à Serigne Babacar Sy dont il portait toujours fièrement une photo autour du cou. Doudou Ndiaye Rose sera inhumé au cimetière musulman de Yoff où il dormira aux côtés de son frère percussionniste de renom Vieux Sing Faye.

Lors du conseil des ministres du 3 janvier dernier, le président de la République décide de ressusciter Doudou Ndiaye Rose en donnant son nom au Grand Théâtre national du Sénégal. Même si le percussionniste était hostile à tout hommage posthume, cette décision est à saluer puisqu’elle vient sanctionner positivement la vie et le vécu d’un Grand Homme.

Par Ababacar Gaye/SeneNews