Ce n’est ni le goût du luxe ni la propension à la dépense qui ont obligé Macky Sall à autoriser l’acquisition d’un avion neuf de commandement pour le Président de la République du Sénégal, Chef suprême des Forces Armées. À l’exposé de certains faits connus du «Soleil», on est fondé de dire que le Chef de l’État a trop tardé à trouver un remplaçant à «La Pointe Sarène» qui a traversé, ces dernières années, des séquences périlleuses.
Sous l’ancien régime, il avait fallu un seul incident à bord de l’avion de commandement présidentiel, en 2007, pour hâter l’acquisition d’un autre appareil, trois années plus tard. Et à juste raison d’ailleurs ! Car, cette circonstance, qui s’était produite au large de l’Espagne, avait failli coûter la vie au Chef de l’État, à l’époque, Me Abdoulaye Wade, et à sa suite contraints à un atterrissage forcé dans ce pays.
Seulement, pour remplacer le Boeing 727 tri-réacteurs acquis en 1978 par le Président Léopold Sédar Senghor, qui l’avait baptisé «La Pointe de Sangomar» du nom d’un banc de sable de Palmarin, les choses ne se déroulèrent pas dans les règles de l’art.
D’abord, la dépense ne fut pas inscrite au Budget.
Pensant en premier aux deniers publics, Macky Sall a pris d’énormes risques
Ensuite, l’acquisition se porta sur un avion de seconde main, un Airbus 319 Corporate Jet, deuxième avion de commandement du Président français, acheté en mars 2001 et mis en service douze mois plus tard après divers réaménagements et aménagements.
Enfin, compte tenu de ce qui précède, le rapport qualité/prix (32 millions d’euros, soit 21 milliards de francs Cfa) était disproportionné.
Le tollé qui s’en suivit n’empêcha pas l’achat de l’appareil, et Me Wade, comme Senghor, choisit une localité de la Petite Côte comme nom de baptême de l’avion : «La Pointe Sarène».
Aujourd’hui, à vingt ans d’âge, elle est entrée dans la dernière des trois phases de la vie d’un avion. D’abord, ses dix premières années durant lesquelles, il est au top. Ensuite, les dix années suivantes avec le même état de la première phase, si et seulement s’il est bien entretenu ; cependant, ses coûts d’exploitation haussent. Enfin, les dix dernières années qui marquent sa fin de vie, à trente ans.
Le premier problème auquel «La Pointe Sarène» s’est heurtée, est intervenu moins de quatre années après son acquisition : en 2014, Sogerma, la société qui l’avait réaménagée et aménagée pour le compte de la France, entre 2001 et 2002, met la clef sous la porte.
De multiples incidents
Du coup, nombre de pièces de rechange deviennent presque inexistantes sur le marché ; dans le meilleur des cas, si le Sénégal parvient à trouver une autre société pour fabriquer à l’identique les pièces de rechange, le coût est très élevé, et les délais de livraison étant longs, de fréquentes immobilisations de «La Pointe Sarène» obligent la location d’avion très chèrement payée.
Mais, même s’ils n’ont pas fait l’effet de publicité du fait de l’attachement très fort du Président Macky Sall à la discrétion, d’autres problèmes beaucoup plus sérieux sont survenus ces dernières années avec «La Pointe Sarène», qui ont été porteurs de risque considérable et de dommage pour le Sénégal : d’une part, à plusieurs reprises, la sécurité du Président de la République a été compromise avec la survenue de problèmes techniques et mécaniques à bord de l’avion de commandement ; d’autre part, ces incidents ont eu un impact désastreux sur l’image de la souveraineté du Sénégal.
En juin 2019, après avoir pris part au Sommet du G20 à Osaka au Japon, le Président de la République rembarque pour rentrer au Sénégal. Au décollage, un incident se produit : l’avion subit une panne de démarreur qui oblige le débarquement à la hâte de Macky Sall et de sa suite et leur retour à l’hôtel pour une longue attente, le temps que les Japonais réparent la panne.
Sacrés coups à l’image du Sénégal
Ensuite, au dernier sommet des Chefs d’État de l’Union économique et monétaire ouest africaine (Uemoa), bis repetita. Cette fois-ci, «La Pointe Sarène» tombe complètement en panne, obligeant le Président du Niger à prêter son avion de commandement à son homologue sénégalais pour son retour à Dakar.
Enfin, à la veille du mini-sommet extraordinaire de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) tenu le 15 septembre 2020 à Accra et consacré à la crise malienne, «La Pointe Sarène» est encore clouée au sol, à Dakar. Le Président ghanéen, Nana Akufo-Addo, tenant coûte que coûte à la participation du Président de la République à cette rencontre cruciale, dut se résoudre à envoyer à Dakar son avion pour transporter Macky Sall.
Et la liste des pannes de l’avion de commandement présidentiel et des coups sur l’image du Sénégal n’est pas exhaustive, qui ont fondé l’impérieuse nécessité d’acquérir un appareil neuf.
Quid du futur avion de commandement qui sera mis au service du Président de la République du Sénégal ?
L’Airbus A320 Neo a de multiples avantages en termes de confort, mais surtout de rayon d’action, de sécurité et de capacité d’opérationnalité pour le Chef Suprême des Forces Armées. Il y a foison d’exemples.
A319 versus A320 Neo : il n’y a pas photo
En termes de confort, ceux qui ont été à bord de «La Pointe Sarène» savent que le Président de la République n’a pas une zone de confidentialité fermée ; les passagers proches de sa cabine peuvent l’entendre échanger ou le voir. Ce qui ne sera plus le cas avec l’A320 Neo aménagé dans ce sens.
Pour rallier Dubaï depuis le Sénégal, «La Pointe Sarène» fait escale au Tchad, à Ndjaména. En aller-retour, entre la taxe d’atterrissage, le coût du balisage, le carburant et les frais d’assistance, c’est trente (30) millions de francs Cfa. Si c’est une escale au Nigéria, ça passe au double. Avec l’Airbus A320 Neo, qui consomme dix-sept pourcent (17%) moins de carburant que l’A319, et a donc un rayon d’action considérable, le Trésor sénégalais est dispensé de cette dépense et de tant d’autres de même type. Et sur le même trajet, là où «La Pointe Sarène» ne peut transporter que quinze passagers pour pouvoir embarquer le maximum de carburant, l’A320 Neo aura le double : trente.
Last but not least, l’un des plus gros soucis auquel «La Pointe Sarène» allait se heurter va être réglé : en effet, si ce n’était l’éclatement de la pandémie de la Covid-19 qui a provoqué le report de la mesure, son équipement avionique ne lui autorisait plus de traverser l’océan atlantique, depuis juin 2020, pour atterrir, par exemple, aux États-Unis, au Canada ou au Mexique ; alors, le Président Macky Sall se verrait obligé de louer un avion répondant aux normes dont est doté l’A320 Neo.
Yakham Codou Ndendé MBAYE
Le soleil.sn