C’est une lueur d’espoir pour les populations du Yémen : à l’issue de consultations de paix en Suède, le chef de l’ONU, Antonio Guterres, a annoncé, hier, jeudi 13 décembre, un accord entre les belligérants pour faire provisoirement taire les armes dans plusieurs régions dévastées de ce pays au bord de la famine. Un « cessez-le-feu » doit entrer en vigueur dans les prochains jours à Hodeïda. Par ce port stratégique de la mer Rouge arrive l’essentiel de l’aide humanitaire. Les forces gouvernementales, soutenues par une coalition militaire dirigée par l’Arabie saoudite sunnite, et les combattants houthis appuyés par l’Iran chiite, doivent se retirer de la ville et du port. Celui-ci est contrôlé par les insurgés et subit les assauts de la coalition progouvernementale. Au final, ces consultations de paix en Suède ont donné bien plus de résultats qu’attendu. Helen Lackner, est chercheuse associée au London Middle East Institute (LMEI) et auteur du livre « Yemen in Crises : Autocracy, Neo-Lberalisme and the Disintegration of a State ».
RFI : En amont des consultations de paix, un accord de principe a été trouvé sur un échange de prisonniers qui pourrait permettre à 15 000 personnes de retrouver la liberté. Et, hier, donc, cette annonce sur Hodeïda, avec un cessez-le-feu et le retrait des belligérants de ce port stratégique pour l’arrivée de l’aide humanitaire. Quelles sont selon vous les chances que ces accords entrent en vigueur ?
Helen Lackner : Je crois qu’il y a d’énormes chances qu’une partie soit mise en œuvre. J’ai vu certains détails de l’accord. C’est très complexe. Ce qui a été agréé, c’est que les deux parties vont retirer leurs forces militaires, qu’ils vont créer des comités conjoints qui vont gérer le port et la ville de Hodeïda sous l’autorité des Nations unies. Alors il y a énormément de possibilités de problèmes. Cela ne m’étonnerait pas de voir une recrudescence et une augmentation des aspects militaires autour de Hodeïda dans les jours qui viennent. C’est assez commun : avant de cesser le feu, essayer d’en obtenir le plus possible.
En ce qui concerne les échanges de prisonniers, il est fort probable qu’ils se fassent. Au moins pour un certain nombre de ces personnes. Il faut encore des vérifications de la part du CICR, de la part des différentes parties. Mais il est fort probable qu’au moins une partie de cet accord sera mis en œuvre dans les deux mois qui viennent.
Qu’est-ce qui a permis ces consultations de paix ? L’affaire Khashoggi qui a mis l’Arabie saoudite sous pression ?
Oui je crois qu’il faut admettre que l’affaire Khashoggi et les changements d’approche, surtout des Etats-Unis, envers le royaume de l’Arabie saoudite et la guerre au Yémen, en combinaison avec la crise humanitaire et le fait que maintenant nous voyons tous les jours des enfants qui meurent de faim, tout cela a mis l’Arabie saoudite sous la pression internationale. Il faut également souligner que le gouvernement yéménite internationalement reconnu ne peut rien faire sans l’accord de l’Arabie saoudite. Il est certain que l’Arabie saoudite a mis la pression sur ce gouvernement pour qu’il fasse un accord.
Tout le monde est conscient de la situation absolument catastrophiquede la population yéménite. Et vu la réputation actuelle de l’Arabie saoudite avec les problèmes de Mohamed Ben Salman suite à l’affaire Khashoggi, il semblerait qu’il se soit rendu compte qu’avoir une catastrophe de plus sur sa conscience serait quelque chose qui n’améliorerait pas sa situation internationale.
L’Arabie saoudite mais aussi les Emirats Arabes Unis – deux pays de la coalition – ont envoyé des représentants en Suède et ils ont salué l’accord. Est-ce qu’à un moment l’Iran devra aussi être associé à des discussions de paix sur le Yémen ?
Je crois de façon très très marginale. Parce que, bien qu’il y ait une propagande très forte que l’Iran est très impliqué avec les Houthis, la réalité c’est que les Houthis ne reçoivent pas beaucoup d’aide de l’Iran. Et je crois que l’implication directe de l’Iran dans les consultations de paix n’est pas nécessaire. Alors que l’implication directe de l’Arabie saoudite et des Emirats est nécessaire. Ils sont très directement impliqués dans l’affaire.