Donald Trump peut-il étrangler l’économie iranienne ?

En annonçant le retrait américain du traité sur le programme nucléaire iranien Donald Trump a promis des sanctions économiques « au plus haut niveau » contre la république islamique. De quoi sérieusement inquiéter les Iraniens?

Donald Trump veut limiter les exportations iraniennes de pétrole et priver la République islamique de l’accès aux dollars. C’est toucher deux points vitaux des échanges entre l’Iran et le reste du monde. Cela revient à vouloir étrangler l’économie iranienne. Etonnamment cette perspective n’a pas l’air d’impressionner les marchés les plus exposés. Le baril de pétrole a fini en repli à New York, et sur le marché parallèle des changes, la monnaie iranienne a encaissé sans broncher : comme la veille, un dollar vaut toujours 65 000 rials. Un léger mieux par rapport à dimanche où le rial est descendu beaucoup plus bas, il fallait alors débourser 67,800 rials pour obtenir un billet vert sur le marché parallèle. Ces réactions sont modérées parce que les marchés ont déjà anticipé le retrait américain, mais aussi parce que l’impact de ces sanctions américaines sera sans doute plus limité qu’en 2012. D’abord parce que le président Rohani indique qu’il veut rester dans l’accord, évidemment pour continuer à profiter de la levée des sanctions économiques.

Tout dépendra donc de l’attitude des autres partenaires de l’accord dénoncé par Donald Trump?

Pour le moment les Européens sont sur la même ligne que le président iranien. Dans le communiqué publié hier soir avec Londres et Berlin l’Elysée indique vouloir maintenir « les bénéfices économiques liés à l’accord au profit de l’économie et la population iraniennes ». La Chine, un partenaire de premier plan pour la République islamique, puisqu’elle est aujourd’hui le premier importateur du brut iranien, appelle aussi au respect de l’accord. On voit mal Pékin se plier aux ordres donnés par les Etats-Unis. En revanche leurs alliés traditionnels en Asie, la Corée et le Japon, d’autres gros importateurs de brut iranien ne se paieront sans doute pas le luxe de contrarier Washington en continuant à se fournir en hydrocarbure auprès de la république islamique.

Quant aux entreprises présentes en Iran, elles devront sans doute choisir entre leurs intérêts iraniens et leurs intérêts américains, à moins qu’elles n’obtiennent une dérogation, comme Total va sans doute essayer de le faire. Le constructeur automobile PSA s’en remet à l’Union européenne: dans un communiqué publié ce matin il dit attendre une position singulière de Bruxelles. En tout cas, toutes sont sous pression. Dans un twitt le nouvel ambassadeur américain en Allemagne ordonne aux entreprises allemandes de cesser sur le champ leurs activités en Iran.

Donald Trump veut par ailleurs empêcher l’Iran de réaliser ses transactions en dollars.

C’est le deuxième étage des sanctions et c’est le plus redoutable. Les Iraniens s’y préparent d’ailleurs depuis plusieurs mois. Ceux qui ont un peu d’économies se sont rués vers l’or et les devises étrangères. Les plus connectés ont déplacé leurs capitaux à l’étranger. On parle d’une évaporation de l’ordre de 30 milliards de dollars. C’est le fait des commerçants, des entreprises mais aussi des pasdarans rappelle Fereydoun Khavand.

Pour financer le Hezbollah, leur allié dans la région, et pour financer toutes leurs opérations à l’étranger, en Syrie, au Yémen, les Gardiens de la révolution ont donc eux aussi contribué à l’effondrement de la monnaie nationale. Sur twitter, un Iranien se désespère: « au moment de la signature de l’accord nous étions déçus d’échanger un dollar contre 10 000 rials, ce sera 100 000 rials qu’il faudra bientôt débourser avec le retrait américain ». Une prophétie partagée par un économiste iranien. Le corollaire de cette descente aux enfers du rial, c’est l’inflation. Déjà très élevée en Iran et qui alimente le mécontentement et l’amertume de la population. Les Etats-Unis surveillent évidemment de très près les mouvements contestataires dans l’espoir de voir le régime s’effondrer sous la pression de la rue.

 

RFI