Plus de 3 millions d’Ukrainiens ont fui leur pays, dont la moitié en Pologne voisine. Ces réfugiés sont pour la plupart des femmes et des enfants. Que deviennent-ils une fois arrivés et logés ? À Cracovie, le Touron Arena, le plus grand complexe sportif de la ville, a été mis à disposition pour fournir aux enfants des activités et des cours afin de leur redonner un semblant de vie normale.
Ils courent et s’amusent comme n’importe quels enfants. Dans une des salles de cet immense centre sportif, des petits de 4 à 6 ans jouent sous l’œil bienveillant d’une animatrice. Difficile d’imaginer qu’il y a quelques jours encore, ils vivaient sous les bombes, dans leur pays, en Ukraine.
« À part la barrière de la langue, ils sont comme nos enfants polonais, raconte Kinga éducatrice à Cracovie qui fait partie de l’équipe d’encadrement qui s’occupe de ces enfants. Je ne suis pas surprise par leur attitude, ça fait quinze ans que je travaille avec des petits, je sais qu’ils sont comme ça, plein d’énergie ! Ils peuvent oublier ce qui leur est arrivé . Vous voyez, ils rient, ils sont heureux, ils courent partout. »
Dans ce programme coordonné par la mairie de Cracovie avec des partenaires privés, tout est prévu : des jeux, du sport, des cours de polonais pour les plus grands, les repas sont également fournis. Il y a aussi des activités pour les mamans qui attendent leurs enfants, comme du stretching ce jour-là. Oxana, une grande brune aux yeux pales, préfère rester à l’écart, elle attend fébrilement la fin du cours de son fils de 8 ans. À son âge, il a été davantage marqué par la guerre en Ukraine, explique-t-elle : « J’amène mon fils ici parce que c’est un bon endroit pour se débarrasser du stress après ce qu’il a vécu en Ukraine. À certains moments il y avait des bombardements et des sirènes d’alarme. Mon fils va mieux maintenant mais son père lui manque. Il est à Lviv, il est resté là-bas. Mon enfant se laisse déborder par les émotions, il sur-réagit. Mon mari est bénévole, il aide, mais si c’est nécessaire il ira se battre. »
Difficile de se projeter
Dans ce centre sportif de Cracovie, les activités pour les enfants durent toute la journée. C’est l’occasion pour certaines mères de les laisser ici et d’aller travailler, même si ce n’est pas toujours facile, comme pour Anhelina, une jeune maman en survêtement gris. « Je suis la maman d’Emilia, là-bas, elle a 4 ans. Je ne reste pas toujours ici. Hier j’ai travaillé, je l’ai laissée mais elle n’aime pas rester seule. Elle n’a jamais été à la garderie en Ukraine donc c’est difficile, elle ne s’adapte pas très bien. Ici je suis obligée de travailler comme femme de ménage dans un hôtel. En Ukraine avec ma mère on avait un magasin, on vendait des pièces détachées pour les voitures. »
Vilana a un peu plus de chance. Attablée avec son ordinateur, un œil sur son fils de 5 ans, elle continue le travail de programmatrice qu’elle exerçait en Ukraine. « À Lviv, je travaillais dans la tech’, donc je peux continuer à travailler à distance, explique-t-elle. Ici j’ai de la place, j’ai du wi-fi, je peux travailler pendant que mon fils joue. Sinon j’ai un ami qui vit ici, il peut communiquer avec les Polonais, il m’a aidée à trouver un logement pour moi et mon fils. Donc on a beaucoup de chance, mais mon mari et mon chien sont restés à Lviv, donc a très peur pour eux. »
Difficile pour ces femmes de se projeter : elles doivent installer de nouveaux repères pour leurs enfants en Pologne, mais séparées de leur maris, leur cœur reste en Ukraine.