À l’avenir la Russie pourrait réserver ses produits agricoles aux pays amis a averti l’ancien Premier ministre Dmitri Medvedev. Les pays africains font-ils partie de ces pays amis ou doivent-ils se préparer à se passer du blé russe ?
Vingt pays africains ont choisi de rester neutres ou de ne pas participer au vote des Nations unies condamnant l’agression de la Russie en Ukraine et lui demandant de cesser son offensive. Ils peuvent donc être considérés comme des amis et certains sont effectivement des gros acheteurs de blé et d’armes russes, les deux grands produits d’exportation de la Russie vers le continent. Depuis le sommet de Sotchi, sur les bords de la mer noire, en 2019, l’ex-empire soviétique a dopé ses exportations vers l’Afrique, devenant le premier pays fournisseur du continent pour ces deux produits stratégiques. Mais cette relation commerciale n’est pas toujours déterminante dans la diplomatie des Etats africains. L’Egypte par exemple ménage son allié américain et a condamné l’agression.
L’Egypte est pourtant le deuxième plus gros importateur au monde de blé russe.
Le Soudan qui est resté neutre aux Nations unies, donc favorable à Moscou, en importe aussi des volumes substantiels, mais quatre fois moins que son voisin du nord. Par ordre décroissant le Nigeria, la Tanzanie, le Kenya, le Maroc, et l’Afrique du Sud sont les autres acheteurs africains notables de blé russe d’après les données fournies par la Coface. Tous ne se sont pas abstenus. Mais attention aux effets de loupe : l’économiste Aroni Chaudhuri de la Coface rappelle que les achats de blé ne sont pas forcément déterminant pour ces pays car c’est une céréale secondaire dans l’assiette des Africains, -prisée surtout dans les pays où l’essor de la classe moyenne a fait évoluer l’alimentation vers un modèle plus occidental. Une douzaine de pays seulement, surtout en Afrique du Nord sont de gros consommateurs de blé.
Cette exposition est beaucoup moins forte en Afrique subsaharienne.
Où le blé constitue moins de 30% de l’apport en céréale dans une trentaine de pays de cette région, ceux-là sont donc peu sensible à l’approvisionnement russe. Et leur consommation ne dépend pas forcément par ce puissant fournisseur. Un grand pays importateur de blé russe comme le Soudan est aussi un pays en détresse alimentaire souligne l’économiste Dominique Fruchter de la Coface. Cela signifie que son approvisionnement passe aujourd’hui plus par le Programme alimentaire mondial que par ses importations russes. En revanche les prix des céréales étant corrélés, la plupart des pays africains souffrent aujourd’hui de la forte hausse des prix agricoles. C’est vrai en Afrique sub-saharienne et encore plus en Afrique du Nord.
Outre le blé, la Russie fournit presque la moitié des équipements militaires des armées africaines.
Plus de la moitié de l’arsenal de l’Angola, de l’Algérie, et du Soudan du sud est d’origine russe, trois pays qui se sont abstenus aux Nations-Unies. L’Egypte, l’Ethiopie, ou l’Ouganda sont aussi des clients de premier plan de l’industrie militaire de l’ex-puissance soviétique. Cette forte dépendance explique en partie l’attitude aux Nations unies, en partie seulement, car la Russie demeure un poids plume dans les échanges entre l’Afrique et le reste du monde. Elle ne capte que 2% des échanges entre l’Afrique et le reste du monde. Soit 20 milliards de dollars par an.
C’est dix fois moins que le commerce avec la Chine ou avec l’Europe.
Si la Russie tente d’étendre son influence avec des actions militaires menées par les mercenaires de la société Wagner, en revanche sur le plan économique elle ne dispose pas des atouts de ses rivaux : la Chine par exemple a des produits à écouler et du capital à investir sur place pour acheter ce qui lui manque : des minerais et des hydrocarbures. La Russie est elle aussi richement dotée en matières premières, il n’y a donc pas de complémentarité selon Dominique Fruchter lui permettant de développer une relation économique forte avec l’Afrique. Si la Chine est parvenue à devenir le premier partenaire commercial sans s’occuper de politique, c’est du moins son discours, la Russie ne semble pas vraiment avoir les moyens d’exporter son blé sur le seul critère de l’amitié.
rfi
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