L’hémisphère Nord continue à suffoquer, avec des sécheresses et des incendies en cascade en divers points de la planète. Cette canicule globale met en évidence l’ampleur des dégâts économiques engendrés par le changement climatique.
La sécheresse actuelle en Italie, la pire en 70 ans, pourrait réduire la production agricole de 30%. La baisse du niveau du Pô, le fleuve qui irrigue tout le nord du pays, entrave aussi le fonctionnement des centrales hydrauliques. Cette diminution de la production électrique, en pleine crise énergétique, a bien sûr un effet négatif sur les prix et l’offre énergétique.
En Allemagne, c’est la décrue du Rhin qui inquiète toute l’industrie, car le fleuve est l’un des axes pour acheminer matières premières et biens intermédiaires dans les usines du bassin. Mais quand le niveau est trop bas, les bateaux ne peuvent plus circuler. Un mois de basses eaux, c’est 1% de production industrielle en moins. En France, les centrales nucléaires fonctionnent au ralenti et les commerçants du Sud-Ouest ravagé par le feu savent déjà que la saison touristique est fortement compromise.
Les perturbations économiques provoquées par ces fortes chaleurs sont-elles durables ?
En général, les agriculteurs compensent les pertes d’une mauvaise saison avec les gains des suivantes. Mais quand les épisodes de sécheresse se répètent trop rapidement, l’économie n’arrive plus à reprendre son souffle. C’est ce qui est en train de se passer au Maroc. Ses ressources en eau sont en baisse constante depuis les années 1960. Le pays est aujourd’hui en situation de stress hydrique structurel.
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La Banque mondiale a tiré la sonnette d’alarme la semaine dernière : la croissance marocaine sera réduite à peau de chagrin cette année, à 1,3% seulement contre presque 8% en 2021, l’année du rebond post-Covid. En partie à cause du réchauffement climatique. Les feux ont aussi des conséquences de très long terme. Il faut vingt à trente ans pour reconstituer une forêt et donc les activités qui en dépendent. En France, une dizaine de scieries ont déjà fermé dans le Sud-Ouest. En Grèce, sur l’île d’Evia ravagée l’an dernier par un violent incendie, la récolte du miel de pin ne pourra pas reprendre avant trente ans.
Le climat est devenu un risque pour l’économie ?
C’est ce qu’affirme le réassureur SwissRe. C’est même une menace majeure qui pèse sur l’avenir. Bien plus inquiétante que ne l’a été la pandémie. En Europe, la vague de chaleur et ses conséquences dramatiques, le feu et la sécheresse, vont précipiter la récession, estiment plusieurs analystes. Les canicules ont aussi des effets négatifs sur la santé et la productivité. Quand le thermomètre avoisine les 40°C, c’est trop dur de travailler.
La croissance occidentale forcenée basée sur les hydrocarbures a accéléré le réchauffement de la planète. Elle en est aujourd’hui l’une des premières victimes. Des éléments connus des experts bien avant cette canicule historique de 2022. Dans un rapport publié l’année dernière, la Banque centrale européenne concluait que la zone euro pourrait perdre au pire 4% de croissance économique d’ici à 2030 à cause du réchauffement.
Comment échapper à ce scénario catastrophe ?
En investissant dans l’adaptation. Par exemple, dans la prévention des incendies, les pays européens du pourtour méditerranéen consacrent 80% du budget dédié à la lutte contre les flammes et 20% seulement à la protection. Il faut aussi adapter les villes, les maisons pour que la chaleur soit supportable. Il faut également revoir la consommation d’eau. L’Italie a une déperdition de 30% contre une moyenne européenne de 5% à 8%. Et bien sûr, accélérer la transition énergétique. Mais la guerre en Ukraine a rétrogradé en seconde position, ce qui devrait être la priorité des priorités.