Donald Trump estime avoir vaincu l’organisation Etat islamique en Syrie. Le président américain a donc décidé d’en retirer ses troupes militaires, quelque 2 000 hommes déployés dans le nord du pays. Ce n’est pas la première fois qu’il annonce que les Etats-Unis vont quitter la Syrie, mais il semble cette fois déterminé à ce retrait « total et dès que possible », selon les termes employés par son entourage.
Avec notre correspondant à New York, Grégoire Pourtier
Donald Trump n’a jamais caché vouloir désengager au maximum son pays de ce conflit en Syrie et sans doute voit-il désormais dans cette annonce un double avantage. D’abord, comme il l’a tweeté, il se prévaut d’avoir vaincu l’organisation Etat islamique en Syrie, « la seule raison pour laquelle les Etats-Unis étaient là-bas » durant sa présidence.
Même s’il a augmenté les budgets accordés à son armée, il voudra certainement capitaliser sur les économies que représenteront le retour au pays d’environ 2 000 soldats. Dans une vidéo publiée mercredi soir sur Twitter, le président américain a déclaré : « (Les troupes) rentrent toutes et elles vont le faire maintenant. Nous avons gagné. » Selon lui, il est « temps de ramener ces grands héros américains à la maison ».
Si Donald Trump avait promis dès la campagne électorale 2016 de se retirer de Syrie, cette décision n’était pas pour autant attendue. Le président américain a pris son entourage de court, et semble avoir pris sa décision seul, et quasiment sans prévenir personne. Mercredi, il était impossible d’avoir des détails sur les modalités d’un tel retrait, relate notre correspondant à New York, Grégoire Pourtier.
Cette décision de quitter la Syrie contredit le Pentagone et plusieurs diplomates américains. D’abord, concernant l’organisation Etat islamique, les experts estiment que ses cellules clandestines constituent toujours une menace réelle. Ensuite, ce retrait va renforcer le régime de Bachar el-Assad, mais aussi ses alliés, la Russie et l’Iran, pourtant ennemi juré de Trump dans la région. Ou encore la Russie. Enfin, la situation va fragiliser les Kurdes, qui ont soutenu les Américains contre les jihadistes, mais qui sont dans le viseur de la Turquie.
Pour Thomas Pierret, chercheur spécialiste de la Syrie au CNRS, les négociations entre les Etats-Unis et la Turquie ne sont sans doute pas pour rien dans cette annonce. « Si cette décision est mise en œuvre, c’est un lâchage des Kurdes face aux pressions de la Turquie qui, depuis plusieurs semaines, manifeste son intention d’entrer militairement dans le nord-est de la Syrie, contrôlé par les Kurdes », analyse-t-il. Hasard du calendrier, Washington a conclu ce mercredi un gros contrat d’armement avec Ankara.
Même parmi les républicains proches de la Maison Blanche, certains ont très vite critiqué cette décision, dénonçant par exemple une « énorme erreur à la Obama », référence au départ des troupes américaines d’Irak alors que le pays était encore loin d’être stabilisé, ce qui a contribué à ouvrir la voie à l’EI. Des élus républicains ne cachent pas leur consternation. « C’est l’une des manœuvres stratégique les plus stupide de l’histoire », a même lâché l’un d’eux.
Moscou se félicite, Israël embarrassé
A l’étranger, le ministère russe des Affaires étrangères a estimé qu’un retrait des forces américaines ouvrait des perspectives en vue d’un règlement politique du conflit syrien. Chez le principal allié des Etats-Unis au Proche-Orient, Israël, cette décision a en revanche été froidement accueillie, rapporte notre correspondant à Jérusalem, Guilhem Delteil.
Jusqu’à présent, Donald Trump avait embrassé toutes les positions de Benyamin Netanyahu sur les enjeux régionaux : reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël, retrait de l’accord sur le nucléaire iranien, sanctions imposées à Téhéran. Pour le Premier ministre israélien, il n’est donc pas question de critiquer publiquement une décision de celui qu’il appelle son « ami ».
Mais cette annonce américaine embarrasse Benyamin Netanyahu, qui ne cesse d’alerter sur la menace que représente l’Iran à ses yeux. Dans un communiqué laconique, le chef du gouvernement a fait savoir qu’il avait été informé par Washington de cette décision, qu’il étudiera désormais le calendrier et les modalités de ce retrait américain ainsi que les conséquences que cela aura pour Israël.
« En tout état de cause, nous nous assurerons de préserver la sécurité d’Israël », écrit Benyamin Netanyahu. Mais les analystes estiment que le retrait américain de Syrie laissera le champ libre à l’Iran, ennemi juré d’Israël, et à la Russie, avec qui les relations se sont tendues depuis le mois de septembre lorsqu’un avion russe a été abattu par un tir syrien lors de frappes israéliennes.
« C’est une décision des Américains et nous respectons les décisions prises par cette administration, a réagi Danny Dannon, l’ambassadeur israélien aux Nations unies. Nous avons nos propres inquiétudes à propos de la Syrie notamment la présence de troupes iraniennes dans le pays. Et nous ferons tout ce qui est nécessaire pour protéger notre peuple quoiqu’il en soit, qu’il y ait des troupes américaines, russes ou de n’importe quel autre pays sur le terrain. Nous allons continuer notre pratique de ne pas permettre aux Iraniens de construire des bases à nos frontières. Mais dans l’ensemble, nous sommes en phase avec la communauté internationale pour dire que le combat contre Daech a été un succès. »
Pour Tzipi Livni, l’une des dirigeantes de l’opposition, cette décision de Donald Trump « est un échec politico-sécuritaire enregistré sous le nom de Netanyahu ».