La garde des Sceaux, Nicole Belloubet, propose d’expérimenter un tribunal criminel sans le jury des assises. L’objectif est de dessaisir en première instance les cours d’assises d’une large part des affaires qu’elles jugent actuellement pour gagner en rapidité. Ces crimes punis jusqu’à vingt ans de prison seront jugés par des magistrats professionnels.
Un tribunal criminel départemental composé seulement de juges va voir le jour à titre expérimental dans un premier temps. L’objectif poursuivi par la chancellerie est d’accélérer considérablement le jugement des affaires criminelles. Notamment les viols, les coups mortels et les vols à mains armés. Des crimes passibles de 15 ou 20 ans d’emprisonnement maximum et qui, en première instance seulement, ne serait donc plus du ressort des cours d’assises.
La traditionnelle cour d’assises composée de trois juges professionnels et d’un jury de citoyens tirés au sort, serait réservée aux affaires les plus graves : les crimes punis de plus de 20 ans de réclusion ou de la perpétuité, comme les meurtres et autres crimes commis en récidive…
« La cour d’assises rend une justice de très grande qualité » reconnaît Nicole Belloubet mais c’est une justice qui « prend du temps ». La garde des Sceaux souligne qu’aujourd’hui des affaires sont souvent requalifiées de crime en délit et passent devant un tribunal correctionnel plutôt que devant les assises parce que les parties préfèrent avoir un jugement plus rapide.
La création d’un tribunal criminel, sans jurés populaires, ne va donc pas bouleverser l’ordre des choses, c’est un choix de cohérence qui vise surtout à institutionnaliser une pratique courante.
Le mécontentement de certains magistrats et avocats
Mais cette évolution est loin de satisfaire un certain nombre d’acteurs du monde judiciaire. La création d’un tribunal criminel se substituant en partie aux traditionnelles assises est un nouveau coup porté à la justice populaire tel qu’imaginée sous la Révolution française.
Réforme après réforme les assises sont peu à peu vidées de leur philosophie. Il y a d’abord eu l’apparition de magistrats professionnels, puis l’obligation de motiver les décisions. Et cette fois pour juger les crimes les moins graves, il n’y aura plus de jurés.
« Un scandale » s’émeut le célèbre ténor du barreau Henri Leclerc. « Je suis très affligé parce que la cour d’assises a les jurés populaires, alors, certes, leur place a réduit et on n’a pas cessé de la réduire, mais dire que c’est ça, aujourd’hui, qui encombre le fonctionnement de la justice… Faire croire qu’on va améliorer le fonctionnement de la justice en supprimant les cours d’assises, c’est se moquer du monde. »
Car l’essence même des assises, c’est l’oralité des débats, le gage d’une bonne justice insiste Céline Parisot, secrétaire générale du Syndicat de la magistrature. « On rejoue l’ensemble des éléments de la procédure, les témoins viennent reparler devant la cour d’assises, les experts aussi, la partie civile, l’accusé… et tout le monde doit s’expliquer et ça permet que le temps soit pris pour un débat judiciaire de qualité et, à la fin, une décision judiciaire de qualité. »
A l’instar d’un tribunal correctionnel, le tribunal criminel jugera plus vite les crimes les moins graves, une logique purement gestionnaire et budgétaire s’insurge nombre de magistrats et d’avocats.
rfi