la psychiatrie, parent pauvre de la médecine

Les lourds antécédents psychiatriques de la suspecte de l’incendie criminel dans un immeuble à Paris, dans la nuit du 4 au 5 février, relancent le débat sur les moyens de la psychiatrie.

« La psychiatrie ne sera plus le parent pauvre [de la médecine], j’en fais une priorité de santé », avait promis la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, le 26 janvier 2018, annonçant vouloir donner davantage de moyens financiers. Plus d’un an plus tard, le secteur continue de tirer la sonnette d’alarme.

Le sujet a été remis sur le devant de la scène dernièrement, après l’incendie criminel d’un immeuble situé dans le 16e arrondissement de Paris, dans la nuit du 4 au 5 février, ayant causé la mort d’au moins 10 personnes. Selon le procureur de Paris, Rémy Heitz, la principale suspecte avait en effet été hospitalisée à 13 reprises en psychiatrie en 10 ans.

« Les moyens sont très réduits pour assurer le suivi des patients »

Une question se pose : y a-t-il eu un raté dans son suivi médical ? Pas plus tard que le 22 janvier, lors d’une « journée nationale de la psychiatrie », médecins, infirmiers et autres personnels des établissements psychiatriques ont dénoncé le manque de moyens, nuisant selon eux à la qualité des soins et aux conditions de travail.

« Cela fait depuis une dizaine d’années qu’on lance l’alerte sur la pénurie, la misère des soins psychiatriques », déclare Philippe Gasser, psychiatre, vice-président de l’Union syndicale de la psychiatrie. Entre 1976 et 2016, le nombre de lits de psychiatrie générale a diminué de 60% selon l’Inspection générale des affaires sociales, alors que les patients à accueillir sont toujours plus nombreux, et que les effectifs manquent.

« Les délais d’attente sont de plus en plus prolongés pour avoir une consultation dans un centre médico-psychologique, et encore plus en pédopsychiatrie. On n’est pas loin de 6 mois dans certains secteurs », souligne Philippe Gasser. « Les moyens sont aussi très réduits pour assurer le suivi des patients », ajoute-t-il.

On a une pénurie de soignants et d’organisation, surtout des soins en psychiatrie, ce qui va croissant depuis une dizaine d’années.
Philippe GasserPsychiatre, vice-président de l’Union syndicale de la psychiatrie08/02/2019 – par David Pauget

« Quand on rogne le personnel, on rogne la qualité des soins », résume Noël Pommepuy, psychiatre, vice-président de la commission médicale d’établissement de l’établissement public de santé de Ville-Évrard à Neuilly-sur-Marne.

Selon lui, ce manque de moyens limite les possibilités de faire la prévention, de prendre en charge de façon précoce les troubles, et de permettre un accompagnement à la sortie : « Comme c’est saturé, on n’a pas de dispositif intensif pour pouvoir suivre les patients à l’extérieur. Par exemple, les faire venir dans un lieu d’hospitalisation de jour, ou sur un mode de système d’hospitalisation à domicile, ou sur des systèmes d’accueil », regrette-t-il.

« Il y a urgence à agir » selon la députée LREM Martine Wonner

La députée Martine Wonner (LREM), psychiatre de profession, a rendu le 6 février les conclusions de sa mission « flash » sur le financement de la psychiatrie, lancée en décembre 2018.

Elle souligne l’absence de « priorité politique », alors que le secteur est « sous » et « mal » financée : « L’ONDAM [Objectif national de dépenses d’assurance maladie] a augmenté de 2,2% par an entre 2012 et 2015, mais, dans le même temps, les dépenses liées aux établissements psychiatriques ont augmenté de 0,8% par an seulement »

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« Il y a urgence à agir », déclare-t-elle, appelant à une réforme structurelle de la psychiatrie, mise en œuvre par un « délégué interministériel à la santé mentale ».

En décembre 2018, la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a accordé une rallonge budgétaire de 50 millions d’euros pour la psychiatrie. Fin janvier, elle a annoncé 40 millions d’euros supplémentaires pour 2019 afin de mettre en œuvre une série de mesures visant entre autres à améliorer l’accès aux soins et aux accompagnements.

 

Rfi