Au cœur de l’Europe, la région du Mullerthal permet aux amateurs de randonnée de se ressourcer en pleine nature.
Lorsqu’un Français envisage des vacances en Europe, il se tourne le plus souvent vers le sud, destination en quelque sorte naturelle pour un Latin perpétuellement en quête de chaleur et de soleil, ou encore vers les Alpes – Suisse, Autriche – où, espère-t-il, le calme des montagnes le dédommagera d’une année de stress. Il ne pense pas spontanément à regarder vers l’est, où se niche un petit pays de 55 km sur 80, à la renommée européenne pourtant bien établie mais dont le potentiel touristique est encore méconnu.
Le Luxembourg – c’est de lui qu’il s’agit – ne fait, il est vrai, pas étalage de ses charmes. Il offre pourtant tout près de chez nous (à deux heures de train de Paris, quatre heures et demie de Lyon) juste ce qu’il faut de dépaysement pour que l’on s’y sente ailleurs tout en ayant l’impression d’être un peu chez soi.
La petite suisse luxembourgeoise
Ici, tout le monde parle français – mais aussi luxembourgeois, la langue nationale, allemand et anglais. On est donc en terrain familier. Mais à peine a-t-on quitté Luxembourg – la capitale du Grand-Duché – pour parcourir une trentaine de kilomètres vers le nord-est que l’on respire un air nouveau. Celui du Mullerthal, la « petite Suisse luxembourgeoise », nom qui lui fut donné par des soldats hollandais au XIXe siècle, une région vallonnée et boisée caractérisée par la richesse de son biotope et ses spectaculaires formations rocheuses. On peut la parcourir de long en large grâce à un réseau – le « Mullerthal trail » – de 112 km de sentiers répartis entre trois routes principales.
En 2014, ce parcours a reçu le label très envié de « Leading Quality Trail – Best of Europe » dont seuls une dizaine d’autres peuvent se prévaloir en Europe. « Ce certificat garantit une randonnée à l’écart des routes, avec une majorité de sentiers naturels, régulièrement entretenus et très bien balisés », explique Marianne Origer, de l’Office régional du tourisme. La découverte de la « petite Suisse » et de ses panoramas aux allures de contes et légendes peut ainsi se faire sans carte et sans risque de se perdre grâce aux panneaux indicateurs qui, à intervalles réguliers (tous les 250 mètres), mettent le randonneur sur le bon chemin.
Un paysage de pierres et arbres mêlés
L’auberge Berdorfer Eck, à Berdorf, au cœur de la région, offre un point de départ idéal pour commencer une excursion. Une petite marche de 200 mètres, et nous voilà dans la forêt. Direction Echternach, la plus vieille ville du Luxembourg, par la route 2.
D’emblée, on se trouve plongé au sein d’une nature luxuriante, fruit d’un microclimat humide et tempéré. Et c’est une symphonie de verts : le vert des mousses et des lichens, omniprésents ; celui des 35 espèces de fougères répertoriées ; mais, surtout, le vert des hêtres, qui composent 80 % de cette forêt de feuillus et étirent leurs longs troncs jusqu’au ciel.
Ils forment avec les rochers un paysage singulier. « Il y a 200 millions d’années, la mer s’est retirée du Mullerthal, explique Gian Marco, guide et spécialiste de la région. Puis ces vallées se sont formées il y a deux millions d’années, après les dernières glaciations, avec le soulèvement des roches. » Depuis, plantes, arbres et pierres sont inextricablement mêlés, et de leur union naît un tableau changeant que l’on découvre pas à pas, au gré de sentiers qui montent, descendent et serpentent dans ce décor digne d’Indiana Jones.
Grottes, cavernes, gorges, falaises de pierre formées de galettes géantes empilées en strates successives, parois rocheuses finement ciselées par des altérations en forme de nids d’abeilles : au fil du temps, le grès, une roche tendre, s’est prêté à tous les caprices de la nature.
Ici, c’est une bouche s’ouvrant sur une rangée de dents, sculpture naturelle née du chemin que le calcaire s’est frayé dans le grès ; là, une étroite faille creusée dans la roche, comme au canyon de Kohlscheuer. « Ce sont les mouvements du sol qui ont entraîné la roche et, au fil des siècles, produit sa scission », commente Gian Marco.
Plusieurs de ces formations, étroites cheminées sombres d’une vingtaine de mètres de haut qui montent vers le ciel pour finir par se rejoindre, se prêtent à l’exploration. On peut s’y glisser muni d’une lampe de poche – claustrophobes s’abstenir – et parcourir ainsi une cinquantaine de mètres au cœur de la roche avant de ressortir à l’air libre de l’autre côté.
Les animaux, rois de la forêt
L’homme, qui de tout temps a vécu ici – sa présence est attestée dès la préhistoire –, y a aussi imprimé sa marque. Au détour d’un sentier, une sorte de dolmen témoigne de cultes datant de l’époque celte. Et au lieu-dit Huel Lee, on peut explorer une grotte façonnée au Moyen Âge par ceux qui venaient tailler dans la pierre des meules destinées aux moulins de la région.
Mais l’homme n’est pas maître en ce royaume, loin de là. Au sol et dans la ramure grouille tout un peuple animal : reptiles, grenouilles, truites, salamandres, cigognes noires, cincles plongeurs, rapaces divers, écureuils… Et l’on avance, guidé par le clapotis du ruisseau tout proche et le pépiement des oiseaux, dans un univers sonore propice à la méditation et au délassement. Au détour de la rivière Hammerbach, un héron cendré semble nous attendre, puis s’envole à notre approche. Voilà douze ans que Gian Marco arpente ces vallons, et il ne s’en lasse pas : « C’est un paradis. »
Au bout de quelques heures de marche qu’aucune pollution urbaine n’est venue troubler, on se sent apaisé, régénéré, prêt pour d’autres aventures. Comme pour la visite du château moyenâgeux de Beaufort (XIIe siècle), dont les ruines majestueuses s’élèvent au bord de la forêt. Ou, plus prosaïquement, pour une halte réconfortante à la cidrerie de Ramborn : là, trois amis ont décidé il y a quelques années de relancer une production de cidre traditionnelle avec différentes variétés de pommes. Leur enthousiasme fait plaisir à voir. Et leurs produits, aussi beaux que bons, plaisir à boire. Que demander de plus ?