Un an après son entrée à l’Elysée, quel bilan tirer de la politique d’Emmanuel Macron à destination de l’Afrique ? Tout au long de la semaine, RFI se penche sur la question. Dernier épisode de notre série : coup d’œil sur le Conseil présidentiel pour l’Afrique. Avec cette question : que devient-il, neuf mois après sa création ?
Sa création avait été annoncée en grande pompe à l’Elysée. Le 29 août dernier, le Conseil présidentiel pour l’Afrique voit officiellement le jour. Dans les jardins du palais présidentiel, Emmanuel Macron pose ce jour-là, tout sourire, aux côtés des (jeunes) membres – issus de la société civile – de cette nouvelle structure, chargée d’apporter un nouvel éclairage au président et de « renouveler le mode de gouvernance traditionnel de la politique africaine française ».
« Ce ne sera ni un think tank, ni un fan-club africain du président de la République », promet-on alors dans l’entourage du chef de l’Etat. Le message envoyé se veut clair : adieu les vieux réseaux Françafrique, place à ceux de la jeunesse éclairée de la diaspora africaine. Mais neuf mois plus tard, qu’est devenu le Conseil présidentiel pour l’Afrique ? Certaines de ses idées ont certes été reprises par le président lors de son discours de Ouagadougou, mais ses membres sont aujourd’hui tellement discrets, voire pour certains insaisissables, qu’on en vient à s’interroger : que fait le CPA ?
« On change totalement de braquet »
Comme annoncé au départ, l’une de ses missions réside dans le suivi des engagements pris par le président. La journaliste et réalisatrice Liz Gomis travaille, par exemple, sur la saison des cultures africaines en France prévue en 2020. Un évènement qu’Emmanuel Macron va lancer officiellement lors de son déplacement au Nigeria début juillet. La journaliste s’investit également sur un autre dossier : la restauration et la numérisation de films africains. Chaque membre a ainsi son domaine d’expertise : « Moi et Nomaza (Nongqunga Coupez) c’est la culture, Jimmy (Jean-Marc Adjovi-Bocco) le sport, Yvonne (Mburu) la santé, Diane (Binder) est plus sur la ville durable, la ville future…», énumère Liz Gomis.
Pourquoi autant de discrétion sur leurs actions ? « On n’avait pas de moyens de communication, pas de secrétariat, se défend Jules-Armand Aniambossou, le coordonnateur du CPA, qui tient à rappeler le statut bénévole de chacun des membres de la structure.
Cette absence de moyens sera bientôt de l’histoire ancienne. Le Conseil va être doté d’un secrétariat. Un site internet est également en cours de création. « On change totalement de braquet », annonce à RFI, Jules-Armand Aniambossou, cheville ouvrière de cette structure. Désormais, le Conseil présidentiel pour l’Afrique entend s’affirmer et rendre son action plus lisible. Dans ce cadre, il devrait prochainement dresser un bilan de son action passée et évoquer les pistes de travail pour l’avenir.
L’avocat Yves-Justice Djimi exclu du CPA
Tout va alors pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Pas vraiment. La composition du conseil pose visiblement toujours question. L’avocat Yves-Justice Djimi a été écarté sans que cela ne soit officiellement annoncé. La raison de son départ ? « Ca nous regarde », évacue Jules-Armand Aniambossou. Depuis janvier dernier, plusieurs sources annoncent la nomination prochaine de deux à quatre nouveaux membres.
Les profils recherchés ? Des spécialistes des questions d’éducation, d’agriculture et de changement climatique. Mais cinq mois plus tard, toujours rien… Autre problème : le Conseil présidentiel pour l’Afrique n’a rencontré le président qu’une seule fois en neuf mois alors qu’il était annoncé au départ qu’il « se réunira(it) en présence du Président de la République en moyenne une fois par trimestre afin d’avoir des échanges réguliers tant sur les politiques à mettre en œuvre que sur les attentes des sociétés civiles africaines ».
Mais la structure n’est-elle pas au-devant d’un autre écueil plus problématique ? Le CPA se veut indépendant et en même temps comptable de l’action du président. Un pied dedans, un pied dehors. Une ligne de crête qui commence à créer des tensions en interne. Car tous ses membres ne valident pas toujours les choix opérés par l’exécutif. Exemple récent : la loi asile et immigration, adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 22 avril dernier. Ce texte ne « fait pas du tout plaisir » à Liz Gomis qui se pose des questions. La discrétion de Paris sur les dossiers congolais, tchadiens ou togolais suscite également des interrogations en interne. « On s’en parle entre nous et ce sont des questions qu’on soulève des fois en réunion », explique la journaliste et réalisatrice.
Le CPA, tête de pont entre l’Elysée et les diasporas africaines
« Nous avons des échanges, des discussions, admet Jules-Armand Aniambossou, voire même des débats sur les situations de crise dans un certain nombre de pays africains ». Cela n’est-il pas source de malaise avec l’Elysée ? « Nous sommes dans notre rôle, estime au contraire l’ancien camarade de promotion d’Emmanuel Macron à l’ENA (Ecole nationale d’Administration). Nous sommes missionnés pour faire remonter sans filtre ce qui nous provient de nos cibles respectives. Le Conseil présidentiel n’est pas un club d’amis du président de la République. C’est un système neuf, composé de gens neufs qui ne sont pas dans une posture de chercher à plaire ». Et le coordonnateur du CPA d’ajouter : « Nous sommes certes des bénévoles, mais des bénévoles hussards, des bénévoles engagés à capter les signaux faibles, à aller chercher de l’info que les autres institutions aujourd’hui ne savent plus aller chercher ou n’ont jamais su aller chercher ».
Si le CPA veut donc apparaître comme une sorte de vigie du président et un initiateur de projets, il entend aussi être la tête de pont entre l’Elysée et les diasporas africaines, comme en témoigne la composition du CPA. Or, pour le journaliste Antoine Glaser, Emmanuel Macron a compris « l’importance des diasporas africaines, l’importance de la diversité et il va en jouer un maximum ».
« Il faut savoir que la présence française en Afrique n’existe plus, explique ce bon connaisseur de l’Afrique, et les sentiments anti-français en Afrique, ça vient souvent des diasporas africaines qui sont souvent frustrées en considérant que la France soutient toujours trop leur président autocrate. » Résultat, aux yeux d’Antoine Glaser, « l’actuel locataire de l’Elysée sera le premier président qui va utiliser à fond les diasporas africaines pour sa réélection en France ». Et ce, via le Conseil présidentiel pour l’Afrique.
rfi