Le collectif Noo lank a mobilisé hier et son passage à l’Université a été fructueux. Mais cette manifestation n’a pas été un fleuve tranquille puisqu’ils ont subi des jets de pierres depuis le campus social de la part d’individus non identifiés. Mais déterminé à obtenir gain de cause, le collectif promet de marcher vers le Palais si leurs requêtes ne sont pas prises en compte par l’Etat.
Il est 15h passées de 20 minutes quand les membres du collectif Noo lank ont commencé à appeler les étudiants à sortir du campus pour les rejoindre. «C’est le combat des étudiants, sortez !», a lancé Malal Talla dit Fou Malade devant la petite porte du campus social. Par moments, il demande au chauffeur du camion de la sonorisation d’orienter les haut-parleurs vers le campus afin que les étudiants puissent entendre son appel. «Le combat de la citoyenneté doit être transmis de la meilleure des manières. ‘’Chaque génération doit dans une relative opacité découvrir sa mission, la remplir ou la trahir’’», cite-t-il Frantz Fanon pour séduire les pensionnaires de Cheikh Anta Diop. A peine a-t-il fini de tenir ces propos annonçant le début de la procession que les éléments de la police, bien armés, ont longé les deux voies. La foule qui se formait petit à petit a commencé à émettre des sifflets et des klaxons, entonnant des slogans hostiles au régime en place. Et c’est le moment choisi par certaines personnes non identifiées pour lancer des pierres à partir de l’Université du côté du pavillon des filles. C’est la débandade. Des marcheurs piqués au vif par cette provocation voulaient apporter la riposte. Mais les responsables de Noo lank les en ont dissuadés. Les Forces de l’ordre interviennent pour ramener le calme. Mais il n’était que de courte durée, car une pluie de pierres en provenance du campus continue de tomber dans une foule compacte qui s’ébranle vers la Médina. Les marcheurs veulent les déloger de leur cachette. Mais c’est encore l’appel au calme qui les dissuade. Selon Ousmane Guèye, étudiant à la Faculté des sciences et techniques, ces personnes tapies dans l’ombre ne sont pas des étudiants. Il y voit «la main des politiciens qui ont certainement payé des gens pour faire ce travail».
Noo lank rouge de colère
Malgré ces incidents, le collectif Noo lank a réussi une grande mobilisation avec une masse d’étudiants qui ont grossi les rangs. C’était d’ailleurs la raison du choix du point de départ de l’Ucad. Certains manifestants étaient habillés en tee-shirts rouges tandis que d’autres arboraient des brassards de la même couleur. Un marcheur a agrafé sur son tee-shirt des bons de coupure d’électricité. «Ce sont des bons de coupure que la Senelec m’a envoyés», précise-t-il. Abondant dans le même sens, une dame crie de toutes ses forces : «L’électricité a augmenté. Moi je payais 16 mille francs. Ma dernière facture s’élève à 30 mille francs.» Un autre manifestant a imprimé sur son maillot «Macky Sall dictateur ! Libérez Guy Marius Sagna !». Arrivés au point de chute, le rond-point de la Médina, les membres du collectif Noo lank ont fait des déclarations les unes plus incendiaires que les autres. «Nous sommes des étudiants. Nous savons que nous ne payons pas de l’électricité à l’Université, mais nous sommes là pour nos parents. Nous ne sommes pas des corrompus comme eux», fulmine Pape Abdoulaye Touré. Un autre ajoute : «Si vous voulez libérer Guy Marius Sagna, il faut aller jusqu’au Palais. Le palais de République n’appartient à personne. Donc, on ne doit pas nous empêcher de faire des protestations devant les grilles du Palais. Guy Marius n’a pas fait ce que Mame Mbaye Niang a fait, ce que Aliou Sall a fait.» Abass Fall, lui, est convaincu que «si le collectif parvient à réunir 1 million de personnes, il peut aller au Palais présidentiel pour faire libérer Guy».
Aliou Sané : «On n’aura pas toujours la même patience»
Les personnes âgées ont aussi été remarquées parmi les manifestants. Aliou Seck, un octogénaire, constate que «le pays va mal». Il a invité les membres du collectif à poursuivre «ce combat qui interpelle tout le monde» car, relève-t-il, les prix des denrées de première nécessité ne cessent de croître à cause de l’augmentation du coût de l’électricité. Aliou Sané du mouvement Y’en a marre a rappelé qu’il y a des personnes qui ont perdu leur vie pour les étudiants et les populations. Il cite les étudiants Mamadou Diop et Balla Gaye tués tous un 31 janvier. «Le premier, rappelle-il, se battait contre un 3ème mandat voulu par le Président Wade. Et le second a trouvé la mort en luttant contre les mauvaises conditions des étudiants.» Après avoir sollicité une minute de silence à l’endroit de ces étudiants, M. Sané a dénoncé «l’injustice» que subit Guy Marius Sagna. «Il est retenu par un pouvoir bandit. Et personne ne pourra nous retenir si nous décidons d’aller au Palais. Nous espérons qu’ils feront une bonne lecture, car on n’aura pas toujours la même patience», avertit-il. Mais au-delà de l’électricité, le co-coordonnateur de Noo lank a souligné que les prix des denrées de première nécessité ont flambé à cause de l’électricité. «Le Peuple souffre, les Sénégalais sont fatigués et notre pays est loin d’être démocratique», a dit Aliou Sané. Le collectif a mis un son de Macky Sall qui invitait les populations à aller déloger Me Wade au Palais. «Mais aujourd’hui, c’est le même Macky Sall qui interdit la marche devant le Palais. En tout cas, les membres du collectif promettent de défier son autorité s’il ne satisfait pas à leurs demandes», prévient Noo lank.