Coronavirus: chez les athlètes, le maintien des JO de Tokyo fait grincer des dents

« Atterré », « il faut les reporter »: plusieurs figures du sport français et mondial sont montées mercredi au créneau, au lendemain de la décision du Comité international olympique (CIO) de maintenir les Jeux olympiques de Tokyo en dépit de la pandémie de nouveau coronavirus.

Au contraire de l’UEFA qui a décidé mardi de reporter d’un an, en 2021, son Euro de football, le CIO reste inflexible: sa commission exécutive a jugé qu’il n’était « pas nécessaire de prendre des décisions radicales » au sujet des JO-2020, prévus du 24 juillet au 9 août à Tokyo.

Une attitude qui a surpris les acteurs principaux de ces JO alors que le même jour étaient annoncés l’annulation et le report d’évènements-phare du sport mondial, comme l’Euro donc et la Copa America de football, Roland-Garros en tennis ou encore Paris-Roubaix en cyclisme.

« Alors que tous les sports cessent leurs activités et que les reports des grands événements se multiplient, le CIO évoque le maintien possible des JO! Je suis atterré par tant d’inconséquence », a ainsi tweeté le président de la Fédération française de natation Gilles Sezionale.

« Il y a des pays moins touchés que d’autres. Certains peuvent s’entraîner normalement pendant que nous, on ne peut même pas accéder à notre terrain d’entraînement », a déploré de son côté Pascal Martinot-Lagarde, champion d’Europe et médaillé de bronze mondial sur 110 m haies.

« Il faut les reporter (les JO, ndlr) à la fin de l’année 2020, pas l’an prochain », a encore plaidé « PML » auprès de l’AFP.

– « Pas de solution idéale » –

Les tournois de qualification olympique (TQO) ont d’ailleurs tardé à se mettre en pause, celui de boxe pour l’Europe à Londres n’étant arrêté qu’au troisième jour de compétition lundi.

Mercredi, un TQO de gymnastique prévu à Tokyo les 4 et 5 avril a été à son tour annulé en raison de la pandémie de coronavirus.

A l’heure actuelle, seuls 57% des quelque 11.000 sportifs qui doivent participer sont déjà qualifiés pour la grand-messe olympique.

La menace est pourtant réelle, comme l’a montré, tout un symbole, la contamination au coronavirus de l’un des deux vice-présidents du Comité olympique japonais, Kozo Tashima.

Face aux critiques des athlètes, le CIO a réagi mercredi en affirmant qu’il n’existait « pas de solution idéale dans cette situation ».

« C’est une situation exceptionnelle qui appelle des solutions exceptionnelles », a déclaré un porte-parole du CIO.

« Il faut faire confiance au CIO », a assuré à l’AFP Guy Drut, ancien ministre français des Sports et membre de l’instance.

Même ton rassurant chez Martin Fourcade. « Laissons-nous le temps de voir comment la situation évolue, on n’est pas à deux semaines ou un mois près pour annuler », a temporisé auprès de l’AFP le quintuple champion olympique de biathlon, tout juste retraité.

« Aujourd’hui, ça ne sert à rien de spéculer, on est encore loin des Jeux », a ajouté Fourcade, président de la commission des athlètes de Paris-2024 et candidat pour intégrer la commission des athlètes du Comité international olympique (CIO) en 2022.

– « Insensible et irresponsable » –

Même au Japon, le scepticisme grandit quant à la tenue des Jeux: un sondage publié lundi par l’agence de presse Kyodo montre que 69,9% des personnes interrogées ne croient pas que Tokyo pourra accueillir comme prévu les JO.

Le CIO a eu beau assurer que « toute spéculation » serait « contre-productive », cela n’a pas empêché la grogne de monter aussi en son sein.

« Je pense que l’insistance du CIO à maintenir sa ligne, avec tant de conviction, est insensible et irresponsable », a asséné l’ancienne hockeyeuse Hayley Wickenheiser, quadruple médaillée d’or aux JO et membre du CIO.

« Du point de vue des athlètes, je ne peux qu’essayer de compatir en imaginant l’anxiété et le déchirement que ressentent les athlètes à l’heure actuelle », a affirmé la Canadienne dans un communiqué publié sur Twitter.

La membre du CIO a été rejointe par la perchiste grecque Katerina Stefanidi.

« Le CIO nous demande de continuer à mettre en danger notre santé, celle de nos familles et des gens, juste pour s’entraîner chaque jour? » a accusé Katerina Stefanidi.

« C’est incroyable », a fulminé la championne olympique 2016.

« Qu’en est-il des sports collectifs, où les athlètes s’entraînent ensemble? Et de la natation? Et de la gymnastique, où sont touchés les mêmes objets? », a-t-elle questionné alors que plusieurs pays, dont la France, ont imposé des mesures de confinement à domicile et de distanciation sociale pour freiner la propagation du virus.