Les accords de normalisation des relations d’Israël avec les Émirats Arabes Unis et Bahreïn seront signés ce mardi 15 septembre à Washington. Un jour historique pour les Israéliens, un coup dur pour les Palestiniens. Ces accords font voler en éclat le consensus qui existait dans les pays arabes.
De notre correspondante à Ramallah,
Si la cause palestinienne avait longtemps servi de ciment à des pays aux intérêts divergents au Moyen-Orient, cela semble bel et bien révolu. Selon le Premier ministre palestinien, Mohammad Shtayyeh, c’est « un jour sombre » dans l’histoire du monde arabe, un jour « à ajouter au calendrier de la misère palestinienne ». Pour ce jour sombre, des appels à manifester se déclarent un peu partout en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza, mais aussi à l’étranger, devant les Ambassades des États-Unis, d’Israël, de Bahrein et des Émirats arabes unis.
Dans un communiqué conjoint, le premier depuis la direction palestinienne « unie », toutes les factions, Organisation de Libération de la Palestine (OLP) et Hamas, invitaient la population à dénoncer « ces accords de la honte », ce « coup de poignard dans le dos ». Effectivement, les dirigeants sont très en colère. Saeb Erekat, secrétaire général de l’OLP s’est aussi exprimé ce dimanche, précisant qu’il ne s’agissait pas d’accord de paix, mais d’accord « de protection », ajoutant que « certains décideurs [autrement dit, les dirigeants des pays du Golfe, NDLA] estiment que la sécurité nationale des Arabes doit dépendre d’une protection par Israël, mais que la doctrine des États-Unis est de penser qu’Israël doit être plus fort que tous les pays arabes ».
Saeb Erakat épingle ainsi un rapprochement non pas au nom de la paix, mais pour s’unir face à l’Iran, « leur ennemi commun ».
Peu de mouvement dans les rues
Cepedant, il a eu peu de mouvement dans la rue depuis l’annonce. Mais, répondent la plupart des Palestiniens quand on leur pose la question, « ce n’est pas la première fois, ce n’est pas une surprise ». « Et c’est hors de notre contrôle. On ne nous demande même pas notre avis. Alors qu’est-ce qu’on peut faire ? Aller dans la rue, ça ne changera rien », insiste Samer, 23 ans, un Palestinien de Jénine.
Tous se sentent effectivement trahis. La plupart soulignent qu’ils connaissaient les relations des pays du Golfe avec Israël – notamment dans le domaine des renseignements -, et qu’il s’agit d’une relation officielle désormais. Pour Salem, 31 ans, habitant de Ramallah, Bahreïn a eu au moins la sincérité de ne pas dire que c’était un geste pour les Palestiniens, contrairement aux Émirats arabes unis qui ont utilisé la suspension de l’annexion comme l’un des arguments. « Je ne sais pas si c’est mieux, ou si c’est pire », a-t-il ajouté.
Des Palestiniens isolés
Encore une fois, les Palestiniens semblent isolés, pris en étau et lâchés, en quelque sorte, par les pays arabes. Au regard des récents développements diplomatiques, force est de constater que leur sort ne préoccupe plus guère les dirigeants arabes.
Si depuis 2002, la résolution du conflit israélo-palestinien et la fin de l’occupation étaient des conditions sine qua non pour la normalisation des relations avec Israël, cette fois, il y a un changement de paradigme, un changement de priorité. Les accords d’Israël avec les Émirats arabes unis et Bahreïn font voler en éclat le consensus de la Ligue Arabe. Ce qui d’ailleurs s’est vérifié la semaine dernière : Ramallah n’a pas réussi à convaincre l’organisation de faire une condamnation claire, trop d’États l’ont refusé.
Les Palestiniens l’ont affirmé ce lundi : ils veulent reconsidérer leurs relations avec la Ligue Arabe. Elle est un « symbole de l’inaction » pour le Premier ministre Mohammad Shtayyeh. Selon Ahmad Majdalani, membre du comité exécutif de l’OLP, « on est passé désormais au stade de l’alliance avec le projet américano-israélien pour éliminer la question palestinienne ».
rfi