Le désastre financier que représente l’échec Mediapro ne doit pas occulter un mouvement de fond qui doit inquiéter le football français : le désintérêt croissant du grand public, qui s’est matérialisé ces dernières années avec des audiences en baisse.
Pour ceux qui s’interrogent depuis quelques semaines sur la stratégie suivie par Canal Plus concernant les droits de la Ligue 1, laissez nous vous rappeler une information intéressante qui était parue début novembre. En rachetant le lot de beIN Sports, la chaîne cryptée avait récupéré notamment le match du samedi soir. Une aubaine car, engagé en Ligue des Champions, le Paris Saint-Germain, l’un des meilleurs générateurs d’audience, avait de grandes chances d’être programmé sur cette case horaire. Ce fut le cas le 24 octobre avec PSG-Dijon le samedi à 21 heures puis la semaine suivante avec Nantes-PSG à la même heure, le tout sur Canal Plus donc. Pour quels résultats ? 583 000 téléspectateurs devant Nantes-PSG. Le lendemain, pour le Grand Prix de Formule 1, Canal faisait le double et franchissait le million. Et le match de L1 qui suivait le dimanche, entre Monaco et Bordeaux, atteignait les 513 000 téléspectateurs.
Pourquoi donc se précipiter sur les lots abandonnés par Mediapro alors que l’audience ne suit plus ? Maxime Saada, président de Canal Plus, a déjà bien fait savoir que la perte des droits dont disposait Canal jusqu’à cette saison n’avait pas eu un impact négatif sur le nombre d’abonnés. Par contre, le désintérêt du public pour le championnat français ne date pas de cette saison et ne s’explique pas uniquement par l’arrivée d’un nouvel acteur, Mediapro, et d’un tarif prohibitif. En effet, Capital s’est procuré les audiences moyennes sur les dernières années et les chiffres témoignent clairement de la chute croissante. En 2019-2020, l’audience moyenne des matches de L1 sur Canal Plus s’élevait à 851 000 téléspectateurs. C’est deux fois moins que lors de la saison 2007-2008 ! Si l’on cumule toutes les rencontres diffusées sur Canal en 2019-2020, on obtient 54 millions de téléspectateurs. Soit deux fois moins que le même procédé lors de la saison 2006-2007. Quant à la fameuse affiche du dimanche soir, si elle n’est pas tombée en désuétude, elle avait pris quand même un coup dans l’aile : 1,207 million de moyenne, soit un tiers de moins que lors de la saison 2007-2008.
Comment expliquer la baisse des audiences des dernières années ?
Les explications d’une telle désaffection des téléspectateurs sont diverses, de la perte initiale du nombre d’abonnés à Canal dans cette période à l’explosion des sites de streaming illégaux en passant par le manque de suspense en Ligue 1 depuis l’arrivée de QSI (Montpellier et Monaco ont malgré tout su devenir champions de France). L’arrivée d’un nouvel acteur, Mediapro, tentant de rentabiliser l’achat de ses droits à un tarif fou (830 M€ au total) avec un prix d’abonnement prohibitif (25 euros par mois) n’a pas aidé à renouer le lien distendu entre le football français et les téléspectateurs les moins assidus. Pendant que la Ligue de football professionnel a mis toute son énergie à vendre les droits TV le plus cher possible pour remplir ses caisses et celles des clubs, elle n’a pas su maintenir un intérêt, notamment chez les plus jeunes. Résultat, elle vend des matches de plus en plus cher à des diffuseurs qui réalisent des audiences de plus en plus basse.
On peut également regretter le découpage exagéré de chaque match de notre championnat. Notre Ligue 1 a-t-elle réellement autant de clubs attractifs pour isoler 6 rencontres par journée (et offrir donc un multiplex de seulement 4 rencontres) ? Outre le PSG, l’OM et l’OL, peut-on réellement considérer qu’installer des cases uniques pour des formations comme Rennes, Saint-Étienne, Monaco, Nice, Bordeaux et d’autres va attirer le chaland ? C’est aussi l’un des problèmes soulevés par l’évolution récente des droits TV. Tout cela explique donc en partie le positionnement de Canal Plus, qui n’avait aucun intérêt à venir jouer les sauveurs du football français après avoir été écarté d’un revers de main en 2018 par la LFP sans que cela n’émeuve les dirigeants des clubs. Obligée de lancer un nouvel appel d’offres sur les lots dont Mediapro a été dépossédé, confrontée à un nouveau recours juridique de la part de Canal Plus, la LFP a du travail pour sauver les meubles financièrement, avant de tenter d’endiguer la perte d’intérêt du grand public.
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