Cela faisait neuf jours qu’ils erraient sur la mer Méditerranée. C’est la fin de l’odyssée pour les 630 rescapés de l’Aquarius et des deux bateaux de la marine italienne qui l’accompagnent, après s’être vu refuser d’accoster en Italie, puis à Malte et avoir quelque peu échauffé politiquement la scène européenne cette semaine. L’Aquarius, symbole de cette épopée, a fait à son tour son entrée dans le port de Valence, quelques heures après le Dattilo, bateau de la marine italienne, suivi à la mi-journée de l’Orione.
C’est dans un grand calme, avec beaucoup d’ordre qu’ont pu accoster les deux premiers bateaux, la frégate militaire italienne Dattilo et le navire humanitaire Aquarius puis l’Orione, face à une nuée de journalistes tenus à distance, rapporte notre envoyé spécial à Valence, François Musseau.
Vers 6 heures du matin on a pu voir sortir des groupes de migrants de Dattilo (qui avait à bord 274 rescapés), marchant, titubant et rejoignant les diverses tentes sous lesquelles ils ont pu boire et se nourrir. Se reposer aussi d’une traversée de 1 500 kilomètres, huit jours durant, dans des conditions météo difficiles qui ont provoqué des crises de mal de mer chez de nombreux passagers.
Des passagers qui souffrent de la gale sur l’Aquarius
Avec l’Aquarius arrivé vers midi avec 106 passagers, cela s’est passé différemment, plus lentement. C’est dans le navire affrété par SOS Méditerranée et MSF qu’avaient été placés les cas les plus fragiles : femmes enceintes (elles sont au nombre de sept), mineurs non accompagnés, personnes malades, etc. De nombreux rescapés souffrent de la gale, maladie contractée en raison des déplorables conditions d’hygiène dans les camps en Libye. Il a donc fallu envoyer des médecins pour faire le point sur l’infection. Une mise en quarantaine a été décidée pour certains passagers.
En fin de matinée ce fut au tour de l’Orione de faire son entrée dans le port avec les 250 rescapés restants.
2300 personnes mobilisées pour l’accueil
Tous les passagers ont été pris en charge par des équipes de médecins, traducteurs (arabe, français et anglais) et enfin policiers pour relever les empreintes digitales et constituer un dossier. En tout 2300 personnes ont été mobilisées pour recevoir les bateaux et l’accueil était très bien organisé.
Sans aucun contact avec les médias, les 629 passagers ont ensuite quitté le port, répartis en trois groupes distincts. Les femmes enceintes ont rejoint l’hôpital de la ville de Valence, les hommes adultes ont été amenés dans un grand centre à Cheste, à 30 kilomètres de la ville, et les 123 mineurs non accompagnés ont été pris en charge et acheminés vers la ville de Castellón.
Les 630 rescapés étaient répartis entre trois navires.
Un permis de séjour de 45 jours
La situation administrative de chaque migrant est examinée et les autorités espagnoles ont annoncé qu’un permis de séjour exceptionnel de 45 jours leur serait accordé, pour des raisons humanitaires. Après ce délai, chaque migrant devra suivre le parcours du combattant habituel du demandeur d’asile.
Les rescapés sont de nationalités très diverses (25 pays), originaires d’Afrique sub-saharienne, du Pakistan, d’Afghanistan ou encore de Syrie. Rarement des migrants repêchés en mer auront, à l’arrivée, fait l’objet d’autant de sollicitude même si leur avenir est loin d’être garanti.
Dans un communiqué de la présidence du gouvernement, l’Espagne avait fait savoir le 11 juin qu’elle allait honorer ses « engagements internationaux en matière de crise humanitaire » et accueillir l’Aquarius. Et c’est le port de Valence qui se trouve quand même à plus de 1500 kilomètres qui avait été choisi. Face au blocage de l’Italie et de Malte, le nouveau gouvernement espagnol du socialiste Pedro Sanchez a proposé de prendre en charge le navire.