Mali : le président et le Premier ministre de transition libérés

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Le président et le Premier ministre de transition maliens, arrêtés lundi et démissionnaires selon les militaires, ont été libérés dans la nuit, a affirmé jeudi à l’AFP un responsable militaire, peu avant la confirmation par les familles.

Les plus hauts responsables de la transition malienne libérés après le dernier passage en force de l’armée. Sous couvert d’anonymat, un un responsable militaire a en effet confirmé la libération du président Bah Ndaw et du Premier ministre Moctar Ouane, dans la nuit de mercredi 26 à jeudi 27 mai. Arrêtés lundi, ils avaient démissionné de leurs positions, selon les militaires.

« Le Premier ministre et le président de transition ont été libérés cette nuit vers 01 h 30 (locales et GMT). Nous avons respecté notre parole », a dit ce responsable sous couvert d’anonymat.

Des membres des familles ont confirmé leur libération. Les deux hommes sont rentrés chez eux à Bamako, a-t-on appris dans leur entourage, sans que les conditions de leur remise en liberté aient été précisées.

Leur libération était une des exigences de la communauté internationale face à ce qui s’apparente au deuxième coup d’État en neuf mois.

Nouveau gouvernement sans consulter le Col Goïta

L’homme fort du pouvoir malien, le colonel Assimi Goïta, avait fait arrêter lundi 24 mai le président Bah Ndaw, le Premier ministre Moctar Ouane mais aussi le nouveau ministre de la Défense qu’ils venaient de choisir, ainsi que d’autres hautes personnalités.

Le colonel Goïta les avait accusés d’avoir formé un nouveau gouvernement sans le consulter alors qu’il est le vice-président en charge des questions de sécurité, attribution primordiale dans un pays dans la tourmente des violences en tous genres, et notamment jihadistes.

Les militaires avaient indiqué mardi que MM. Ndaw et Ouane avaient démissionné, sans qu’on sache dans quelles conditions.

Depuis leur arrestation, le président et le Premier ministre de transition étaient tenus au secret au camp militaire de Kati, à une quinzaine de kilomètres de Bamako, là où le président Ibrahim Boubacar Keïta, réélu un an plus tôt, avait été conduit lui aussi par les colonels en août 2020 et poussé à annoncer sa démission.

Mercredi, le président Bah Ndaw et son Premier ministre Moctar Ouane avaient démissionné en présence de la mission de diplomates venus les voir à la base militaire de Kati, à une quinzaine de kilomètres de Bamako, a dit à un correspondant de l’AFP Baba Cissé, conseiller spécial du colonel Assimi Goïta, à l’origine de ce coup de force aux conséquences imprévisibles.

En réalité, ils ont démissionné avant l’arrivée de la mission à Kati, lieu de leur rétention, a dit à des journalistes sous le couvert de l’anonymat un membre de la délégation constituée de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), de l’Union africaine (UA) et de la Mission de l’ONU dans le pays (Minusma).

La délégation s’est ensuite rendue dans les bureaux du colonel Goïta, vice-président de la transition, qu’elle avait déjà rencontré mardi. « On a revu le vice-président pour lui dire notre désaccord », a déclaré le même membre de la délégation.

Inconnue totale

Ces démissions, dont on ignore les conditions mais qui figuraient parmi les multiples scénarios possibles depuis le coup de tonnerre de lundi, maintiennent une inconnue totale sur la suite des évènements dans ce pays crucial pour la stabilité du Sahel, plongé depuis des années dans une inextricable crise polymorphe.

Après la démission, le Conseil de sécurité de l’ONU a condamné à l’unanimité cette éviction sans toutefois parler de coup de force, ni envisager de mesures coercitives. « Imposer un changement de direction de la transition par la force, y compris par des démissions forcées, (est) inacceptable », a déclaré le Conseil.

Les États-Unis ont suspendu l’assistance aux forces de sécurité et de défense maliennes, a annoncé le département d’État, précisant que Washington étudierait « des mesures ciblées contre les responsables politiques et militaires qui ont entravé la transition civile vers une gouvernance démocratique ».

Si les efforts de médiation n’aboutissent pas, « nous prendrons des sanctions contre tous ceux qui empêchent le processus de transition de se développer », a prévenu auparavant le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, dont le pays engage environ 5 000 soldats au Sahel.

Les pays européens sont également prêts à des sanctions, a déclaré le président français Emmanuel Macron qui a parlé de « coup d’État dans le coup d’État ». La Cédéao a elle aussi fait savoir que des sanctions étaient possibles, comme elle l’avait fait après le coup d’État mené par les mêmes colonels en août 2020.

« Nouveau gouvernement »

La rencontre de la mission de la Cédéao avec les dirigeants arrêtés s’annonçait lourde de conséquences.

« Les négociations sont en cours pour leur libération et la formation d’un nouveau gouvernement », avait affirmé le collaborateur du colonel Goïta. Le colonel Goïta « nous a dit qu’ils travaillaient aux modalités de leur libération », a dit le chef de la délégation de la Cédéao, Goodluck Jonathan.

La libération des responsables étaient toutefois attendue : « Après la démission du président et du Premier ministre, les personnes détenues vont recouvrer leur liberté, cela se fera de façon graduelle pour d’évidentes raisons de sécurité », avait déclaré devant la presse Baba Cissé, le conseiller du colonel Goïta.

Retour à la transition réclamé

Mais la mission, ainsi qu’une grande partie de la communauté internationale, réclamait non seulement leur libération mais également un retour à la transition, censée ramener des civils élus au pouvoir début 2022.

Depuis leur arrestation, le président et le Premier ministre de transition étaient tenus au secret au camp militaire de Kati, là où le président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), réélu un an plus tôt, avait été conduit lui aussi par les colonels en août 2020 et poussé à annoncer sa démission.

Baba Cissé a invoqué mercredi soir des « différends profonds tant sur la forme que sur le fond » et des « blocages » auxquels le président de transition se serait livré, par exemple contre la préparation des élections à venir ou l’arrestation de responsables suspects de « mauvaise gestion financière ».

Il a paru confirmer que les colonels auteurs du putsch d’août 2020 avaient mal pris que le président et le Premier ministre aient écarté deux d’entre eux de postes clés dans le gouvernement qu’ils ont annoncé lundi. Il y a eu « des limogeages ou des changements abusifs » qui pouvaient « avoir comme conséquence la démoralisation des troupes et une certaine rupture dans la chaîne de commandement », a dit le conseiller du colonel Goïta.

Le coup de force, énième soubresaut de l’histoire contemporaine malienne, soulève une multitude de questions quant à son impact sur la lutte anti-jihadiste et sur la gouvernance au Mali, et plus immédiatement sur la relation future avec les colonels et le respect des échéances prévues, comme la tenue d’élections début 2022.

Avec AFP