Le naufrage du « MV X-Press Pearl » au Sri Lanka donne un écho particulier à la Journée mondiale des océans, ce mardi 8 juin. Le navire battant pavillon singapourien a déversé, en coulant, plusieurs tonnes de billes de plastique dans l’eau. Une énième catastrophe écologique de ce type qui nous rappelle que les océans sont victimes du plastique transporté à bord de porte-conteneurs d’un bout à l’autre du globe.
La pollution au plastique affecte de plus en plus les fonds marins. D’après Greenpeace, on trouve en effet, en ce moment, environ 12 millions de tonnes de plastique dans nos océans. Si un quart provient de matériel de pêche abandonné en mer, les particules de plastique mesurant moins de 5 millimètres posent particulièrement problème.
« Les microplastiques et les nanoplastiques posent problème à travers leur ingestion par les animaux marins, explique Agnès Le Rouzic, de Greenpeace Canada. Ces animaux sont pour la plupart destinés à la consommation humaine et ils sont consommés par d’autres animaux marins dans la chaine alimentaire. Les microplastiques contiennent des additifs et des polluants persistants, pour la plupart connus comme perturbateurs endocriniens. Cela pose donc un problème de santé pour la faune, pour la vie marine, et également, pour la santé humaine. »
Les associations de défense de l’environnement considèrent ainsi le plastique comme l’un des principaux dangers pour l’avenir des océans. D’autant que si l’on croit que les plastiques sont recyclés dès qu’on les met dans une poubelle de tri, ils peuvent en fait être exportés à l’autre bout du globe à bord de porte-conteneurs.
Dix millions de tonnes de déchets plastiques exportées chaque année
Chaque année, environ dix millions de tonnes de déchets plastiques circulent par bateau sur les océans de notre planète. Pendant longtemps, les emballages alimentaires, les sacs ou encore les bouteilles plastiques usagés étaient envoyés par les grandes puissances, l’Europe, les États-Unis, le Canada et le Japon, selon un principe dit « gagnant-gagnant » : les porte-conteneurs amenant des produits manufacturés depuis la Chine repartaient chargés de déchets plastiques pour ne pas circuler à vide.
Mais la situation a changé en 2018. « Depuis que la Chine a interdit les importations de déchets plastiques [cette année-là], résume Charlotte Nithart, de l’association de défense de l’environnement Robin des Bois, et à sa suite la Malaisie ou l’Indonésie, les flux de déchets plastiques s’orientent vers le Vietnam, la Thaïlande et les Philippines. Une part se dirige également vers le continent africain, vers l’Afrique de l’Ouest, mais aussi vers l’Afrique du Nord, la Turquie et la Tunisie. Et si l’on prend au sens large tous les déchets qui contiennent du plastique, on trouve des filières vers le Nigéria, le Ghana, la Côte d’Ivoire et le Bénin. »
Un manque de traçabilité
Ces exportations de déchets posent problème, car recyclable ne veut pas toujours dire recyclé. Les pays réceptionnant les déchets ne sont ainsi pas toujours dotés de filières de recyclage efficaces… et les déchets qui arrivent ne sont pas forcément propres, ni bien triés.
Ainsi, si les déchets plastiques sont relativement traçables jusqu’à leur arrivée à l’étranger, il est difficile de savoir ce qui se passe ensuite. Exporter ses déchets plastiques au loin veut donc dire, selon l’association Robin des Bois, perte de contrôle et de traçabilité.
« Le risque principal, poursuit Charlotte Nithart, c’est que ces déchets ne soient pas du tout réutilisés, réemployés, retraités, et qu’ils finissent dans des décharges à ciel ouvert, sans aucune protection du milieu naturel, avec une pollution de l’eau, y compris de l’eau potable et de l’eau agricole utilisées par les populations locales. Les déchets peuvent également se retrouver dans les océans. On a des exemples de dépôts sauvages en bordure de rivière et de fleuve : dès qu’il y a de grosses pluies, les déchets sont drainés vers la rivière ou le fleuve, ou tombent directement en mer. Ils alimentent alors le flux considérable de déchets plastiques qu’on retrouve dans l’environnement marin. »
Près de 80% du plastique des océans arrive ainsi par les rivières et les fleuves. Le constat est alarmant. D’où un appel des ONG à limiter la production de plastique et à développer des filières de recyclage de proximité. D’autant que de moins en moins de pays acceptent d’être « les poubelles du monde ». Fin mai, les douanes de Dakar ont imposé une amende record de 3 millions d’euros à un navire allemand chargé de déchets plastiques illégaux.