Canicule et climatiseur: un cocktail délétère pour le climat

Avec la canicule en Europe les climatiseurs tournent à plein régime et la consommation d’électricité s’emballe. Un pic pourrait être franchi ce jeudi vers midi en France selon les prévisions d’EDF. Peut-on établir un lien de cause à effet entre le réchauffement du climat et l’usage de la climatisation ?

Ce lien commence à être bien décrit par les experts du climat et par les économistes et cet épisode de grosse chaleur en Europe démontre en grandeur nature ce qui va se passer si rien ne bouge. Avec le changement climatique, les températures extrêmes sont de plus en plus fréquentes. Pour s’en protéger, nous chauffons plus en hiver et nous faisons tourner la climatisation en été. On dépense donc toujours plus d’énergie issue encore des hydrocarbures. Résultat : il y a toujours plus d’émissions de carbone. Le changement climatique s’auto-alimente en faisant grimper la demande en énergie. L’an dernier, les émissions de carbone ont augmenté de 2%, la demande en énergie + 2,9%. Et ce n’est pas une forte hausse de l’activité économique qui explique ce rebond, mais bien l’usage croissant du chauffage et de l’air conditionné. Les trois pays qui ont le plus contribué à cette augmentation sont la Chine, l’Inde et les États-Unis.

L’air conditionné joue-t-il un rôle si important dans cette hausse de la demande énergétique ?

Dans le cas des pays situés en zone tempérée, son poids est bien moindre que celui du chauffage hivernal. En France, par exemple, le pic de la demande liée à la climatisation sera aujourd’hui de 60 000 mégawatts, alors qu’il est plutôt de 100 000 en hiver. Mais c’est une demande nouvelle, qui n’existait pas auparavant. Dans les pays plus proches des tropiques, la climatisation est déjà un des principaux moteurs de la demande.

En Libye, où les pénuries d’électricité sont fréquentes en ce moment en partie parce que la production est défaillante à cause de la guerre, 60% de la demande est actuellement absorbée par les besoins en climatisation. À New Delhi, la capitale indienne, c’est 40% en été. L’usage de l’air conditionné va s’exacerber. Parce que le réchauffement devient de plus en plus insupportable dans les zones tropicales. Là où la poussée démographique est encore très forte, là où l’essor de la classe moyenne donne des moyens supplémentaires aux ménages pour se rafraîchir. En France seulement 4% des habitations sont équipées contre déjà 10% en Chine. Et puis la climatisation devient aussi indispensable pour refroidir les usines et les bureaux.

La bataille contre le réchauffement est-elle déjà perdue ?

C’est un risque réel vu la lenteur des progrès accomplis pour décarboner l’économie, prévient Spencer Dale, l’économiste en chef de la compagnie pétrolière BP, dans le rapport de référence que publie chaque année la société. Le titre est sans appel « Énergie 2018, une trajectoire insoutenable ». Que l’un des poids lourds de l’industrie qui à court terme profite le plus du réchauffement joue les Cassandre et déplore que l’action entreprise ne soit pas à la hauteur des enjeux ne manque pas de sel. Les investisseurs, ceux qui ont le pouvoir de financer ou pas les industries fortement émettrices de gaz à effet de serre, sont aussi fortement mobilisés pour faire bouger cette trajectoire. Dans une lettre ouverte adressée aux membres du G20 qui se retrouvent à partir d’aujourd’hui à Osaka au Japon, 477 d’entre eux représentant à peu près la moitié du capital investi dans le monde, demandent instamment aux gouvernements des actions décisives pour atteindre l’objectif fixé par l’accord de Paris.

EN BREF

À Osaka au Japon à la veille de l’ouverture officielle du G20, la tension monte encore à cause des derniers tweets du président américain. Depuis son avion Air Force One, Donald Trump dénonce les taxes douanières « inacceptables » imposées par l’Inde. C’est la dernière salve envoyée par le président américain avant son arrivée. Hier, le chef de la Maison Blanche a multiplié les attaques contre les pays présents. Il doit s’entretenir en tête à tête avec neuf chefs d’État ou de gouvernement. Le rendez-vous le plus important est bien sûr celui qu’il aura avec Xi Jinping. Il est prévu samedi matin.