En Colombie, la mobilisation ne faiblit pas malgré le retrait du projet de réforme fiscale. La répression des manifestations en Colombie a fait une vingtaine de morts et des centaines de blessés. Outre Bogota, la ville de Cali au sud-ouest du pays a été particulièrement touchée. Malgré la pandémie, les syndicats et organisations ont appelé à une grande mobilisation nationale ce mercredi en demandant à tous ceux qui n’étaient pas encore descendus dans les rues de le faire.
La rue ne décolère pas. La mobilisation a démarré fin avril à l’origine contre un projet de réforme fiscale, depuis retiré. Mais ce projet était l’étincelle qui a mis le feu aux poudres dans un contexte de tensions politiques et sociales et les images de la répression violente des forces de sécurité poussent les Colombiens à continuer leur mobilisation. Les syndicats ont appelé à la poursuite de la grève nationale.
Après avoir obtenu une première victoire avec le retrait de la réforme fiscale, ils souhaitent à présent l’abandon d’un projet de loi pour réformer le système de santé. En une semaine, les manifestations se sont transformées en un mouvement de contestation du gouvernement Duque (droite). Le président, droit dans ses bottes, a annoncé hier la mise en place d’un dialogue national, sans pour autant donner plus de détails.
Cali dans l’oeil du cyclone
La tension était particulièrement forte à Cali, la 3e ville de Colombie. L’armée s’est déployée dans la ville en fin de semaine dernière et selon le secrétariat local à la sécurité les manifestations et la répression ont fait cinq morts et 33 blessés pour la seule journée de lundi. En annonçant le renfort de policiers et militaires supplémentaires, le ministre de la Défense Diego Molano, avait argué que les troubles y étaient orchestrés par des groupes armés.
Jairo Galvez du Parti du travail de Colombie à Cali, un parti de gauche, est très remonté contre le gouvernement du président Ivan Duque. Joint au téléphone par Véronique Gaymard, du service international, il appelle la population à accompagner la grève nationale annoncée pour ce mercredi, en maintenant toutes les mesures de sécurité: les masques, le gel pour les mains, et la distanciation physique. « Nous leur demandons de rejoindre (les manifestants) pour montrer au gouvernement que cette grève n’est pas à l’initiative de quelques-uns, mais que c’est toute la population colombienne qui souffre de la rudesse de ces politiques économiques qui ont gravement affecté les familles et le peuple colombien. »
Les blocages des principales voies d’accès commencent à générer une pénurie de carburant et des inquiétudes pour le passage de camions d’oxygène et de matériel médical, en pleine pandémie de Covid-19. La Colombie est le deuxième pays le plus touché d’Amérique latine.
Selon les chiffres de l’AFP, le pays vit sa troisième vague de contaminations : la Colombie compte plus de 2,9 millions de cas, dont plus de 75.000 décès à ce jour, accuse une chute de 6,8% de son PIB en 2020, un chômage à 16,8% et un taux de pauvreté en hausse à 42,5%.
De longues files d’attente pour s’approvisionner en essence
Christian Escobar Mora est photojournaliste international indépendant et il suit les manifestations depuis le début. Il se trouvait ce mardi devant une des deux grandes stations essence devant le terminal de bus de la grande ville du sud-ouest du pays. Il décrit les longues files d’attente à cause des blocages de routes qui empêchent l’approvisionnement d’essence.
« Il y a des files d’attente de plusieurs centaines de mètres à ces stations-service: des voitures, des motos et des gens à pied qui attendent. Certains ont anticipé les pénuries d’essence qui se produisent depuis plusieurs jours, ils viennent à l’aube et font la queue à pied, puis revendent leur place à ceux qui en ont besoin. Évidemment, c’est de la vente illégale, c’est un moyen de s’en sortir, c’est de l’économie informelle. »
Christian Escobar Mora raconte que certains sont là depuis 4 heures du matin et que les gens s’impatientent, que cela en devient même agressif.
« Il y a des pénuries d’essence, de vivres. Les routes sont bloquées, mais laissent passer les camions d’oxygène et les secours. Mais on constate que l’impact économique de cette grève nationale est assez fort. Et bien sûr tout cela avec l’utilisation excessive de l’usage de la force par la police et aussi les actions de certains manifestants désespérés qui en profitent pour piller. Mais le plus souvent, c’est vraiment pour trouver de la nourriture. Il y a aussi des migrants parmi eux qui trouvent ainsi des moyens de se nourrir. »
Ce mercredi 5 mai, toutes les organisations syndicales, les organisations sociales, de jeunes, d’environnementalistes, d’animalistes, de LGBT, des femmes, de commerçants de petites et moyennes entreprises vont se mobiliser, précise Jairo Galvez. Ces marches se dérouleront partout, du nord au sud et de l’est à l’ouest de Cali, de façon pacifique.
Hier mardi, plusieurs pays et organisations comme l’UE, Amnesty international ou encore le Haut commissariat aux droits humains de l’ONU se sont inquiétés de la violence du climat et ont appelé à la retenue les forces de l’ordre. écouter: Manifestations réprimées en Colombie: «On évince les revendications sociales et économiques»
et avec AFP