Corée du Nord: face à Kim, la stratégie diplomatique de Trump tourne au vinaigre

On les avait quitté meilleurs amis du monde après leur rencontre historique à Singapour, mais depuis la lune de miel a tourné court. Donald Trump continue d’afficher sa confiance à Kim Jong-un, mais la volonté annoncée du dirigeant nord-coréen de sortir du moratoire sur les armes nucléaires remet la stratégie diplomatique américaine en question.

Le 12 juin 2018 devait marquer un tournant diplomatique entre les États-Unis et la Corée du Nord et la rencontre à Singapour entre Donald Trump et Kim Jong-un avait laissé entrevoir un espoir de paix pour la péninsule coréenne. Malgré un communiqué final plutôt flou, le président américain s’était félicité de la réussite du sommet en déclarant : « il n’y a plus de menace nucléaire en Corée du Nord ».

Un an et demi plus tard et malgré la reprise du dialogue entre les Américains et les Nord-Coréens, force est de constater que la situation est plus complexe que ne veut le faire croire le manichéisme de Trump. Aujourd’hui, la Corée du Nord dispose toujours de son arsenal nucléaire et Kim Jong-un a même annoncé ce 1er janvier 2020 la fin du moratoire sur les essais nucléaires et de missiles balistiques intercontinentaux signé à Singapour et affirmé que le monde allait découvrir une nouvelle arme stratégique.

Pour Trump, Kim est « un homme de parole »

Ces déclarations particulièrement hostiles remettent un peu plus en question la stratégie nord-coréenne de Trump qui continue pourtant à afficher son optimisme. « Nous avons bien signé un contrat qui parle de dénucléarisation. C’était la phrase numéro un, cela a été fait à Singapour. Je pense que c’est un homme de parole », a réaffirmé le président américain. « Nous voulons la paix, pas l’affrontement », a quant à lui réagit avec le même ton mesuré le secrétaire d’État Mike Pompeo.

Si l’administration Trump continue de minimiser ce qui semble être devenue une situation inextricable, c’est aussi parce qu’à moins d’un an de la présidentielle américaine, elle s’accroche à ce qu’elle considère être sa grande réussite diplomatique. Trump rappelle d’ailleurs à l’envie qu’il a réussi sur le dossier nord-coréen là où son prédécesseur, Barack Obama, avait échoué. Pour lui qui brigue un deuxième mandat, admettre un échec est donc inenvisageable.

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Il faut dire qu’avant de se retrouver à Singapour pour se serrer la main, Trump et Kim partaient de loin. Dans les années précédant cette rencontre, la Corée du Nord avait mené six essais nucléaires et lancé des missiles capables d’atteindre l’intégralité du continent américain. Les deux hommes s’injuriaient également publiquement par médias interposés. Quand Kim traitait Trump de « gâteux américain malade mental », le président américain répliquait en l’appelant le « petit gros », la reprise d’un dialogue à Singapour semblait donc quasi miraculeuse.

L’espoir d’une dénucléarisation vite refroidi

À l’issue du sommet Kim Jong-un avait même déclaré que la Corée du Nord n’avait désormais plus besoin de son arsenal nucléaire. Dès lors, Donald Trump ne tarit pas d’éloges sur son homologue. « Son pays l’aime vraiment, les gens ont une vraie ferveur », « Oui je lui fais confiance », « C’est un gars fort, il a une super personnalité, il est marrant et il est très, très intelligent », avait-il notamment déclaré après la rencontre à Singapour. Il n’hésite alors pas à rappeler les relations fortes qu’il entretient avec Kim, évoquant même de façon un peu surréaliste les « très belleslettres » que ce dernier lui envoie.

La bonne entente de façade des deux dirigeants va pourtant se heurter à des considérations plus terre à terre. Les deux hommes se retrouvent à Hanoï pour une deuxième rencontre le 28 février 2019, mais les négociations vont patiner et le sommet va tourner au fiasco. Les Nord-Coréens demandent la levée des sanctions commerciales à leur encontre pour commencer tout processus de dénucléarisation, ce que refusent les États-Unis qui attendent d’abord un geste de Pyongyang pour accéder à cette demande. Kim estime en outre que la dénucléarisation implique toute la péninsule coréenne, ce qui inclus aussi le parapluie américain qui protège la Corée du Sud, alors que pour Trump seul l’arsenal nord-coréen est concerné.

L’ultimatum nord-coréen

Même si la situation s’enlise, une troisième rencontre sera improvisée dans la zone démilitarisée entre les deux Corées le 30 juin 2019. Trump devient ainsi le premier président américain à mettre les pieds en Corée du Nord mais si les images de cette rencontre sont particulièrement marquantes, elles ne seront diplomatiquement pas suivies d’effets.

Donald Trump et Kim Jung-un dans la zone démilitarisée (DMZ) à Panmunjom, le 30 juin. 2019AFP/Brendan Smialowski

Pis, les Nord-Coréens décident alors de multiplier les essais balistiques de courte et moyenne portée. En novembre, ils fixent un ultimatum aux États-Unis : sans allégement des sanctions d’ici le 31 décembre, le régime amplifiera ses essais balistiques.

« Nous ne vendrons jamais notre dignité », a déclaré Kim Jong-un devant le Comité central de son parti ce 1er janvier avant de promettre une action « sidérante pour faire payer (aux États-Unis) le prix de la douleur subie par notre peuple ». Si le dirigeant nord-coréen est un « homme de parole » comme l’affirme Donald Trump, il reste donc désormais au président américain à déterminer à laquelle se fier.

 

 

 

 

 

 

 

 

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