Corée du Nord: vers la fin de la main-d’œuvre expatriée?

Alors que les négociations sur le programme nucléaire de Pyongyang sont dans l’impasse, ce dimanche 22 décembre était la date butoir pour le rapatriement de travailleurs nord-coréens.

En 2017, le Conseil de sécurité de l’ONU avait adopté une série de résolutions pour interdire l’envoi à l’étranger des ressortissants nord-coréens. C’est qu’ils représentent une manne financière pour Pyongyang : le régime ponctionne environ 70 % de leurs salaires. Or leur travail, principalement en Chine et en Russie, mais aussi en Afrique, en Amérique latine et en Europe, est assimilé à du travail forcé.

La résolution de l’ONU visait à assécher les sources de revenus de Pyongyang. Sa résolution 2397 donnait deux ans à tous les pays pour renvoyer chez eux les travailleurs nord-coréens. Depuis, les effectifs officiels de travailleurs nord-coréens à l’étranger ont baissé.

« C’est une des sources de revenus de Pyongyang, explique Antoine Bondaz, chargé de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique. Cela représente potentiellement plusieurs centaines de millions de dollars par an. Dès décembre 2018, les principaux pays dont la Chine et la Russie avaient indiqué qu’ils avaient divisé de moitié leur nombre de travailleurs nord-coréens sur leur territoire. »

Contourner les sanctions

D’après les estimations, environ 50 000 Nord-Coréens travaillaient en Chine en 2017 et plus de 30 000 en Russie. En septembre dernier, l’ambassadeur russe à Pyongyang, Alexandre Matsegora a affirmé que le chiffre avait déjà été ramené à moins de 10 000. « Après le 22 décembre, plus aucun Nord-Coréen ne se trouvera en Russie avec un visa de travail », avait-il assuré.

Sauf que la résolution 2397 de l’ONU ne spécifie pas le type de visa. Elle mentionne plus largement « tous les ressortissants de République populaire démocratique de Corée touchant des revenus. »

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« Le problème aujourd’hui, c’est qu’en réalité, la Corée du Nord aujourd’hui continue de contourner les sanctions, pointe Antoine Bondaz. Par exemple, en Chine, le nombre de visas pour trois mois a explosé. Idem en Russie avec l’explosion du nombre de visas délivrés à des Nord-Coréens pour des raisons de tourisme ou d’éducation. Ce sont en réalité des Nord-Coréens qui vont travailler. »

Les chiffres officiels russes montrent qu’entre janvier et septembre, Moscou a délivré six fois plus de visas de touristes à des Nord-Coréens qu’au cours de toute l’année 2018, et trois fois plus de visas d’étude.

« Ajuster les sanctions »

Au moment où les négociations entre Pyongyang et Washington sur le nucléaire sont dans l’impasse, Chine et Russie viennent d’ailleurs de proposer « d’ajuster les sanctions », notamment de renoncer à l’interdiction de l’emploi de Nord-Coréens.

« La question des travailleurs nord-coréens est une question parmi d’autres, rappelle Antoine Bondaz. Depuis plusieurs années, la Corée du Nord multiplie les opérations d’attaques dans le cyberespace, notamment contre des institutions financières. »

Les choses se sont envenimées ces derniers mois et Pyongyang a donné jusqu’à la fin de l’année à Washington pour débloquer le dossier nucléaire. « L’objectif pour le régime est toujours le même : accroître les sources de revenu du pouvoir et financer les programmes que le régime considère comme prioritaires, notamment son programme nucléaire et son programme balistique », conclut le chargé de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique.

rfi