Aujourd’hui le journaliste Pape Alé Niang est poursuivi pour divulgation de «secret défense» après avoir lu dans une de ses chroniques un rapport d’enquête interne de la gendarmerie qui fait état de supposée falsification de Pv dans l’affaire Sweet Beauté. Dans ledit document, des gradés de la gendarmerie et de la magistrature sont mis en cause. Finalement, de quoi le journaliste est-il coupable, de divulgation de secret défense ou d’avoir brisé une omerta ? Tribune
Pour avoir lu dans une de ses chroniques un rapport d’enquête interne de la gendarmerie qui fait état de supposée falsification de Pv d’audition dans l’affaire Sweet Beauté dans lequel sont mis en cause des gradés de la gendarmerie et de la magistrature, Pape Alé Niang est aujourd’hui dans les liens de la détention. Le journaliste est poursuivi pour «divulgation de secret défense».
Seulement, dans cette affaire qui secoue la République et dont il est question de manipulation de Pv pour enfoncer un opposant, la question qui taraude les esprits est de savoir si Pape Alé Niang a divulgué un secret défense ou a t-il brisé une omerta ? Parce que telle que définie, l’omerta est la «loi du silence».
La loi du silence est la règle tacite imposée par les mafieux dans le cadre de leurs affaires criminelles : elle implique, entre autres, la non-dénonciation de crimes et le faux témoignage, tandis que l’expression «secret défense» ou «secret défense» est utilisée pour définir un niveau d’habilitation d’accès à un document gouvernemental ou militaire restreint par une loi ou un règlement à un groupe spécifique de personnes pour des raisons de Sécurité nationale (ou supra nationale éventuellement).
Aussi, c’est à se demander si aujourd’hui cette notion de «secret défense» invoqué par l’État pour mettre le grappin sur le journaliste n’est pas un prétexte commode pour dissimuler des actes répréhensibles. Étant donné que les faits rapportés par le journaliste sont suffisamment graves, ils méritent d’être élucidés et dans la sérénité.
Car les populations ont besoin de savoir ce qui s’est passé exactement : des autorités ont-elles profité de leur position pour faire des trucs peu recommandables ? En quoi Pape Alé at-il divulgué un secret défense ?
Donc, ce qui est attendu du Procureur de la République est qu’il diligente une enquête pour éclairer la lanterne des Sénégalais et éventuellement sanctionner les auteurs de ces manquements. Parce que ce dont il s’agit, c’est d’un Pv d’audition de la gendarmerie qui aurait été produit pour éliminer un opposant et qui met en cause des gradés de ce corps d’élite, mais aussi un Procureur de la République. Ce qui, encore une fois, est d’une extrême gravité d’autant que ce dossier a déjà fait 14 morts et personne ne souhaite une réédition.
Donc, c’est une affaire qui mérite d’être tirée au clair, et ni le devoir de réserve, encore moins les sceaux de la confidentialité ne sauraient justifier qu’un citoyen, à plus forte raison un journaliste investigateur observe indifférent que les institutions soient dévoyées pour enfoncer un opposant. Et d’ailleurs, à supposer que Pape Alé ait diffusé de fausses nouvelles concernant ce rapport, ce serait la gendarmerie nationale elle-même qui aurait directement porté plainte contre lui pour avoir inventé sur son compte ce qui n’existe pas.
Pour dire qu’il serait intéressant aujourd’hui que l’on dise aux populations en quoi ce qu’a dit ou révélé Pape Alé Niang touche à la défense nationale ? Car le journaliste n’a fait que relater des dysfonctionnements et des manquements préjudiciables à l’honneur de ce corps d’élite respecté pour son professionnalisme et son caractère républicain.
Donc, au delà même du respect des principes, il y a un débat plus profond qui doit poser la question du fonctionnement des institutions de la République et sur la probité intellectuelle de ceux qui ont la lourde charge de les incarner. Parce qu’occuper de hautes fonctions ne doit pas signifier être au-dessus des lois, d’autant qu’on est dans un Sénégal supposé être celui de tous pour tous.
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