L’échec du parti d’extrême droite Reconquête! aux législatives est surtout celui de son chef de file Eric Zemmour: candidat surprise à l’élection présidentielle dont il fut la vedette, il termine en candidat défait, dès le premier tour, dans le Var.
Seule nouveauté de la course à l’Elysée, l’ancien éditorialiste du Figaro et de CNews a suscité un immense intérêt médiatique, attisé par ses multiples provocations.
« Je serai au second tour. Ensuite, je serai soit président de la République, soit leader de l’opposition », clamait encore Eric Zemmour début avril, en répétant que sa rivale Marine Le Pen n’avait « aucune chance » de l’emporter face à Emmanuel Macron.
Mais après avoir frôlé puis dépassé à l’automne la candidate RN dans les sondages, réuni des milliers de partisans dans ses meetings volcaniques, le candidat identitaire de 63 ans est retombé sur terre en terminant avec 7,07% des voix, quand Marine Le Pen en récoltait 23,15% et se qualifiait pour le second tour.
Ses ambitions aux législatives ont aussi été stoppées net dès le premier tour dimanche.
Lui-même a été éliminé dans la 4e circonscription du Var, où il a réuni 23,19% des voix, à seulement 1,5 point derrière le candidat RN. Au niveau national, Reconquête! a réuni 4,24% des voix, contre 18,68% pour le RN.
« Impasse »
Ses principaux lieutenants, dont les visages tapissaient toutes les affiches Reconquête! en France, ont aussi chuté dès dimanche, comme l’ancien numéro deux de LR Guillaume Peltier, député sortant dans le Loir-et-Cher, ou l’animateur de la branche jeunesse de Reconquête!, Stanislas Rigault, dans le Vaucluse, qui avait comme suppléante l’ancienne députée FN Marion Maréchal.
Deux anciens cadres identitaires candidats dans les Alpes maritimes, Damien Rieu et le dissident RN Philippe Vardon, allié à Reconquête!, ont également raté leur qualification.
« La stratégie d’Éric Zemmour est une impasse parce qu’elle est caricaturale, brutale », a estimé lundi Jordan Bardella.
« Les ralliés du RN vers Reconquête!, c’est-à-dire en fait 10 personnes, ont eu zéro impact », selon le président par intérim du RN qui reproche à M. Zemmour « d’avoir totalement omis le quotidien des Français et l’inquiétude des fins de mois », en ne parlant que de la « fin de la France ».
M. Zemmour a essentiellement fait campagne sur la théorie complotiste du « grand remplacement » des populations européennes par une population d’origine étrangère ou à dire que l’islam et l’islamisme, « c’est la même chose ».
Reconquête! n’a pas empêché le RN de se qualifier « dans des circonscriptions gagnables », selon M. Bardella, même si Marine Le Pen avait refusé tout accord avec Eric Zemmour aux législatives.
Loin de l’entraver, M. Zemmour a aussi « aidé le RN à paraître recentré » par sa « radicalité idéologique » tout en lui apportant un réservoir de voix, analyse le politologue Jean-Yves Camus.
« Construire »
Reconquête! a aussi « permis de clarifier le paysage interne au RN » où plusieurs responsables, comme l’eurodéputé Nicolas Bay, étaient déjà sur le départ, note M. Camus.
L’objectif reste désormais la structuration de Reconquête! en mouvement politique durable, pour le mener jusqu’aux élections européennes de 2024, où il a davantage de chances, en raison du scrutin proportionnel, d’obtenir des élus.
« On a installé une nouvelle force politique » d’environ 130.000 adhérents revendiqués, mais « il faut tout construire », assurait à l’AFP avant le premier tour, Nicolas Bay.
« Un mouvement est né il y a six mois. Il a déjà rencontré mille obstacles, traversé mille épreuves. Il a tenu bon et s’est installé partout en France. (…) La Reconquête restera un devoir. En avant! », a tweeté dimanche soir Eric Zemmour.
« En voyant l’extrême gauche de Mélenchon et le centre gauche de Macron dominer très largement l’élection, je me dis que nous avons un grand travail de construction à mener », a estimé lundi Marion Maréchal, qui ne s’était pas présentée pour cause de grossesse et a donné naissance, vendredi, à une deuxième fille, prénommée Clotilde.
Pour ce faire, le jeune parti peut déjà compter, avec les 964.868 voix engrangées dimanche, sur 1,582 million d’euros d’argent public chaque année, puisque chaque voix gagnée donne droit à 1,64 euro par an.