Emirats Arabes Unis: Mohammed ben Zayed, l’autre «prince de guerre»

Il est l’un des plus influents dirigeants du monde arabe. Mohammed ben Zayed al-Nahyane, prince héritier d’Abou Dhabi et homme fort des Emirats Arabes Unis, est reçu ce mercredi à Paris par Emmanuel Macron, qui s’était rendu aux Emirats Arabes Unis il y a un an. Il existe une relation forte entre la France et ce pays pétrolier du Golfe qui est aujourd’hui un acteur incontournable dans sa région.

A 57 ans, Mohammed ben Zayed n’est encore que le prince héritier de l’Emirat d’Abu Dhabi mais dans les faits il règne déjà. Son demi-frère, l’actuel émir, est en effet en retrait depuis un accident vasculaire cérébral survenu en 2014. Pour la même raison, Mohammed ben Zayed – surnommé « MBZ » – est aussi aux commandes des Emirats Arabes Unis, une fédération de sept richissimes émirats pétroliers.

MBZ est plus discret que son voisin MBS, le prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed ben Salman. Mais « Mohammed ben Zayed est véritablement le mentor de MBS », explique la chercheuse Fatiha Dazi-Henni. Le trentenaire saoudien est fasciné par son aîné émirati qu’il considère comme un visionnaire. « Chacun sait qu’il a besoin de l’autre, poursuit la spécialiste des monarchies du Golfe (1), MBS a besoin de l’expérience de MBZ et en contrepartie, Mohammed ben Zayed a besoin du soutien de Mohammed ben Salman pour ses rêves de conquête ».

L’Islam politique, bête noire de MBZ

Sous l’impulsion des deux princes, l’Arabie saoudite et les Emirats Arabes Unis ont renforcé leur partenariat stratégique. Mais les priorités ne sont pas identiques. Si le royaume saoudien veut faire reculer l’Iran sur tous les fronts régionaux, c’est d’abord la lutte contre toute forme d’islam politique qui guide la politique de Mohammed ben Zayed à la tête des Emirats Arabes Unis.

Les Emiriens (comme leurs voisins saoudiens) ont détesté les Printemps arabes de 2011 et ils sont aujourd’hui les acteurs d’une contre-révolution régionale. Ainsi, les Emirats Arabes Unis soutiennent l’Egypte du président Sissi et en Libye ils sont aux côtés du général Haftar. Le boycott du Qatar, depuis juin 2017, est avant tout un projet émirien, même si l’Arabie saoudite, Bahrein et l’Egypte participent également à la mise à l’écart de Doha accusé d’encourager les mouvements islamistes de la région, à commencer par les Frères Musulmans.

« MBZ considère que l’idéologie des Frères Musulmans est l’idéologie nourricière du radicalisme islamique et qu’il faut la combattre à tout prix », analyse la chercheuse Fatiha Dazi-Henni. « Mohammed ben Zayed est un ancien officier, fermement opposé à l’islam radical qu’il veut éradiquer où qu’il soit, avant qu’il ne puisse frapper les Emirats », ajoute William Gueraiche, universitaire français qui vit et enseigne dans ce pays. « Lorsqu’on vit aux Emirats on comprend très bien ce que cela représente : c’est une enclave de prospérité dans un monde troublé, il faut la protéger même au prix d’une intervention militaire », poursuit William Gueraiche.

« La Sparte du Moyen-Orient »

Il est vrai que les Emirats Arabes Unis se sont imposés comme une puissance militaire régionale, impliquée en Libye et surtout dansla guerre au Yémen, aux côté de l’Arabie saoudite dans la coalition qui combat la rébellion des Houthis. Le prince héritier Mohammed ben Zayed a construit « l’armée moderne des Emirats Arabes Unis, avec l’ambition d’en faire une force de projection » précise Fatiha Dazi-Henni. Surarmé et en guerre, le pays est régulièrement surnommé « la Sparte du Moyen-Orient », en référence à la cité de la Grèce Antique connue pour la redoutable efficacité de son armée.

Entre cette puissance régionale affirmée et la France, la relation est ancienne et solide. C’est à Abou Dhabi que la France possède sa seule base militaire permanente dans la région : la base d’Al Dhafra sur les rives du Golfe Persique, à moins de 250 km des côtes iraniennes.

Les Emirats Arabes Unis sont un client fidèle de l’industrie française de l’armement (3ème plus gros client en 2017 avec plus de 700 millions d’euros de commandes selon le dernier rapport au Parlement sur les exportations d’armes françaises, voir la page 96) et sont régulièrement cités dans le débat sur l’utilisation des armes françaises dans le conflit au Yémen. France et Emirats Arabes Unis ont aussi tissé des liens d’une toute autre nature. La prestigieuse université de la Sorbonne et le musée du Louvre sont implantés à Abou Dhabi. Le premier déplacement d’Emmanuel Macron dans le monde arabe a d’ailleurs été consacré àl’inauguration du Louvre Abou Dhabien novembre 2017.

rfi