Des conjectures de tous genres, les unes plus ahurissantes que les autres, ont entouré l’exil au Qatar de l’ancien ministre des Infrastructures et de la Coopération Internationale. D’aucuns avaient soutenu avec force conviction que Karim Wade était assigné à résidence surveillée. Les tenants de cette thèse ainsi que tous ceux qui pensaient que le fils de l’ancien Président vivait dans une prison dorée à «ciel ouvert» à Doha (capitale du Qatar) peuvent se raviser. L’ancien tout puissant ministre d’Etat hume un bel air et passe du bon temps en dehors de cet émirat. Notre directeur de publication pour six jours encore, Mamadou Thierno Talla, l’a croisé à Kigali (capitale du Rwanda). Morceaux choisis d’une rencontre fortuite.
Karim Wade n’est pas en résidence surveillée. Loin s’en faut ! Au Qatar où il vit en exil depuis plus de trois ans à la suite de la grâce présidentielle qui lui a été accordée dans la nuit du 24 juin 2016, il est libre de tous ses mouvements. S’il ne revient pas au Sénégal comme il l’a maintes fois annoncé, il ne se prive guère quelques escapades touristiques dans certains pays africains. Et pour cause, l’ancien ministre des Infrastructures et de la Coopération Internationale séjourne depuis quelques jours à Kigali (Rwanda) où il flâne à l’image des nombreux touristes attirés par cette ville en pleine reconstruction.
En effet, par le plus pur des hasards, donc sans aucun calcul, sans aucune programmation, Mamadou Thierno Talla, notre directeur de publication pour encore six jours, a rencontré avant-hier, samedi 24 août 2019, à Kigali, l’ancien tout puissant ministre d’Etat et fils du Président Abdoulaye Wade. L’horloge affichait 13h35 (heure locale) correspondant à 11h35 GMT. La rencontre entre les deux hommes s’est déroulée au Centre du Mémorial du Génocide de Kigali.
Selon Mamadou Thierno Talla qui raconte la scène surréaliste, Karim Wade, habillé en noir de pied en cap, s’apprêtait à entrer dans le Mémorial en compagnie de quatre autres personnes lorsqu’il l’a aperçu. Complètement médusé, notre interlocuteur rapporte qu’il a aussitôt ôté ses lunettes avant de les remettre pour vérifier s’il rêvait ou pas. L’ancien président du Conseil de surveillance de l’ANOCI, qui semblait tout aussi surpris, recule vers la porte de sortie. Thierno Talla se dirige vers lui et l’apostrophe : «Ce n’est pas Karim Wade ?». Et l’ancien ministre du Ciel et de la Terre, tel qu’il était dépeint par ses détracteurs avant 2012, de répliquer : «Thierno, comment vas-tu ? Tu es où?» Réponse du Directeur de publication de «L’As» : «Toujours dans la presse». Après avoir pris de bonnes nouvelles du Président Wade et de Sindiély Wade, indique Mamadou Thierno Talla, la visite du Mémorial pouvait commencer. Elle aura duré une bonne heure, ponctuée par la seule voix du guide rwandais, en anglais. «On sort de cette visite profondément meurtri, jamais intact. Comment un même peuple divisé en hutus et tutsis a pu s’entredéchirer et engendrer 800.000 morts de tous âges (nourrissons, enfants, adultes, vieillards et femmes)», souligne Thierno Talla. Bien que le Rwanda ait vécu le pire, il entreprend le meilleur depuis 1994 avec la fin de la guerre civile et la victoire du FPR de Paul Kagamé. Désormais, il est formellement interdit de traiter untel de hutu ou de tutsi. Signe de sa renaissance : Kigali est considérée depuis quelques années par Onu-Habitat comme la ville africaine la plus propre et l’une des plus sûres. Cette réputation, de l’avis de notre interlocuteur, est loin d’être usurpée. «Rien à voir avec Dakar et ses saletés et ses agressions en plein jour», tranche-t-il.
Déformation professionnelle oblige, Thierno Talla invite, à la fin de la visite, son vis-à-vis à dire un mot sur la situation politique du Sénégal. En guise d’échappatoire, Karim Wade se contente de dire :« Je t’en prie, nous sortons du Mémorial». Refusant d’en démordre, le journaliste lance : «Justement, les Rwandais se sont entretués et ont fait la paix. Ce qui ne devrait pas être impossible au Sénégal». «Pantois, Karim Wade mit du temps à reprendre son souffle et soutint qu’il est venu rendre visite à un ami. Après m’avoir donné rendez-vous à Dakar, il m’a donné une chaude poignée de main et s’est s’engouffré dans un 4×4 Toyota pour s’en aller», renseigne Mamadou Thierno Talla.
Hawa BOUSSO l’AS