Tandis que les 28 et 29 juin, les pays du G20 se réunissent à Osaka, Donald Trump prépare une nouvelle vague de sanctions économiques contre Pékin. Elles pourraient toucher le reste des exportations chinoises dès le mois de juillet. Et comme si cela ne suffisait pas, le président américain s’attaque à un nouveau volet de sa drôle de guerre : celui des taux de change de devises mondiales.
Donald Trump vient de charger le département américain du Commerce de préparer un nouveau décret selon lequel les États-Unis seraient le seul arbitre capable de juger si les mesures de politique monétaire prises ailleurs dans le monde nuisent aux intérêts américains.
Avec ce projet, les États-Unis pourraient imposer des droits de douane punitifs à tout pays qui, d’après eux, affaiblirait sa monnaie afin de rendre ses exportations moins chères que les produits américains. Voilà qui est dit. Désormais, toute politique monétaire risque de susciter des représailles américaines.
L’euro face au dollar
Ce n’est pas complètement nouveau. Depuis des années, les administrations américaines successives s’en prennent aux pays qui utilisent leurs taux de change pour être plus compétitifs dans les échanges mondiaux. D’habitude, c’est la Chine qui s’attire les foudres de Washington.
Le 18 juin dernier, c’était à Mario Draghi, gouverneur de la Banque centrale européenne, de faire l’objet d’une attaque. En évoquant une possible baisse des taux d’intérêt de la zone euro, il a déclenché un tweet colérique de l’hôte de la Maison Blanche.
Donald Trump l’a accusé de manipuler indirectement les taux de change de l’euro pour le seul bénéfice des Européens. Et pour preuve, selon lui, l’euro a chuté par rapport au dollar. Ce qui facilite en conséquence les exportations européennes vers les États-Unis.
« Ils s’en tirent à bon compte depuis des années, tout comme la Chine et d’autres pays », a estimé le président américain. Mario Draghi a immédiatement rétorqué cette accusation : « Nous n’avons pas d’objectif de taux de change. »
Une réaction épidermique du président américain risque-t-elle d’ouvrir la porte à une guerre des changes au niveau mondial ? Le spectre d’un conflit des monnaies avait déjà plané en 2013. Risque-t-il de revenir ? Certains experts le craignent ; d’autres n’y croient pas.
Nouveau volet d’une guerre commerciale
Ce n’est donc qu’un nouveau volet de la guerre commerciale déclarée par les États-Unis à leurs partenaires. Une guerre commerciale, mais qui au final pourrait être préjudiciable à tout le monde. Car, attention de ne pas entrer dans le jeu de Trump, dit Éric Delannoy, fondateur du cabinet de conseil bancaire Tenzing :
« La réponse de Mario Draghi est exemplaire. La guerre des changes suppose qu’il y ait des adversaires qui manipulent effectivement les taux de change. Ce qui, dans le cas de la BCE, n’est pas le cas. La Banque centrale européenne ne manipule pas des taux de change de la monnaie commune, l’euro », explique-t-il.
Et de préciser que la BCE « utilise la politique monétaire comme instrument pour stimuler l’économie européenne, stabiliser les prix et améliorer la croissance de la zone euro. D’ailleurs, elle fait exactement ce qu’avait fait avant elle la Réserve fédérale qui, en baissant les taux d’intérêt jusqu’à 0%, a soutenu durant des années l’économie américaine. »
Que veut Donald Trump ?
Jusque-là, le Trésor américain publiait une évaluation bisannuelle des manipulations monétaires dans le monde. Désormais, ce sera au département du Commerce d’évaluer si oui ou non un pays (ou une zone monétaire, comme la zone euro) manipule sa monnaie afin de faciliter ses exportations.
La politique monétaire sera ainsi considérée comme une subvention gouvernementale et le département du Commerce aura le droit d’imposer des droits de douane supplémentaires pour compenser un taux de change plus faible par rapport au dollar.
Est-ce grave ?
Oui, c’est grave. Ce glissement des prérogatives inquiète les spécialistes, car il soumet l’économie au pouvoir politique. « Le département du Commerce n’a ni les capacités ni les moyens de juger si telle ou telle politique monétaire est une manipulation des taux de change. Ce ne seront que des suppositions », estime Éric Delannoy.
« Une sorte d’arbitrage politique risque de s’installer dans l’évaluation des monnaies mondiales. Les avis ne seront pas livrés d’un point de vue d’objectifs économiques, mais d’un point de vue purement politique », ajoute l’économiste.
Les États-Unis seront désormais le seul arbitre à bord. « À l’image de l’extraterritorialité du droit américain, on aura maintenant une forme d’extraterritorialité du commerce américain. Toute notion de concurrence serait bannie. Tout pays qui est plus compétitif que les Américains serait sanctionné. »
Donald Trump est en train de violer toutes les règles du commerce international. Cette politique protectionniste nuit à l’économie mondiale, mais aussi, paradoxalement, à l’économie américaine. Les commandes des biens reculent, et l’investissement du secteur privé aux États-Unis est en chute libre depuis six mois.