« Ils ont ressorti les mêmes hommes »: en Algérie, le rejet de l’élection présidentielle

Une foule dense a manifesté dans le centre d’Alger, jeudi, contre l’organisation du scrutin, malgré une forte présence policière. Le taux de participation au scrutin n’a atteint que 39,93 %, selon les chiffres officiels.
« On est vierges ! » Salim, commerçant, exhibe fièrement ses deux index en un geste et un cri de ralliement. Aucun n’est noirci par l’encre indélébile, la marque des électeurs. Au terme d’une journée de manifestations, de chants mais aussi de charges policières, la rue aura quasiment éclipsé le vote dans la capitale algérienne, jeudi 12 décembre. Le Hirak, le mouvement populaire, avait promis un boycott actif du scrutin présidentiel que le régime avait tenu à organiser, en dépit de l’opposition d’une très large partie des Algériens dénonçant l’absence de garanties sur la sincérité de l’élection.

L’appel a été entendu, à en juger par les milliers de personnes qui ont envahi le centre-ville de la capitale dans une ambiance bon enfant, tandis que les électeurs ne se présentaient qu’en rangs clairsemés aux bureaux de vote. Jeudi, dans la soirée, Mohamed Charfi, le président de l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE), annonçait que le taux de participation national avait été de 39,93 %, un chiffre aussitôt dénoncé par l’opposition comme étant gonflé. Le taux avait été de 50,7 % lors du scrutin précédent de 2014. Les résultats préliminaires devaient être annoncés vendredi. Le futur président aura fort à faire pour imposer sa légitimité, alors que la crise politique, ouverte il y a près de dix mois, n’a de toute évidence pas été résorbée par ce scrutin.

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La journée de jeudi a parfaitement résumé la profondeur de cette crise, avec le spectacle du fossé béant opposant l’Algérie du Hirak à l’Algérie officielle et loyaliste. Le matin, la capitale offrait le paysage d’une ville morte, malgré la présence massive des forces de l’ordre dans les principales artères, avec des canons à eau déployés et garés sur les trottoirs. Dans les rues du quartier Meissonier, au centre-ville, commerçant et d’habitude animé en matinée, il n’y avait pas ou peu de passants. Près de la daïra (sous-préfecture), on croise un votant, la trentaine, issu d’une famille de militaires. D’autres passants sont indifférents. « Je voterai à minuit », s’esclaffe Salah, entouré de trois de ses voisins.