Irak: le leader chiite Moqtada Sadr réclame la dissolution du Parlement

Irak: le leader chiite Moqtada Sadr réclame la dissolution du Parlement

Le puissant leader chiite Moqtada Sadr a réclamé ce mercredi 3 août la dissolution du Parlement irakien et des législatives anticipées, estimant qu’il n’y avait « aucun intérêt » à dialoguer avec ses adversaires, dans un contexte de paralysie politique totale.

L’allocution télévisée du trublion de la vie politique irakienne, la première depuis que ses partisans ont envahi samedi par milliers le siège du Parlement pour y installer un sit-in, intervient au moment où se multiplient les appels au dialogue sur la scène politique. La tension est montée d’un cran en Irak après le rejet par Moqtada Sadr d’un candidat au poste de Premier ministre présenté par ses adversaires, les factions chiites pro-Iran qui forment l’influent Cadre de coordination.
« Je suis certain que la majorité de la population est exaspérée par la classe dirigeante dans son intégralité, y compris certains (politiciens) appartenant à mon courant », a reconnu le leader chiite dans son discours retransmis mercredi soir sur les télévisions locales.

À partir de maintenant, il n’y aura plus d’anciennes figures, quelle que soit leur appartenance », a-t-il assuré, proposant « un processus démocratique révolutionnaire pacifique, puis des élections démocratiques anticipées après la dissolution du Parlement actuel ».

Le Parlement envahi à deux reprises
Le Courant Sadriste avait remporté haut la main les dernières législatives d’octobre 2021, avec 73 élus au sein du Parlement de 329 députés. Mais en juin, Moqtada Sadr avait créé la surprise en faisant démissionner ses députés, n’ayant pas réussi avec ses alliés à faire nommer un Premier ministre et à former un gouvernement « de majorité ». Près de dix mois de tractations et de querelles politiciennes entre les partis n’ont pas permis à l’Irak de désigner un nouveau président de la République ou un chef du gouvernement.
Moqtada Sadr a lancé une campagne de pression maximale contre ses adversaires, et démontré qu’il était encore capable de mobiliser les foules pour faire avancer ses pion : à deux reprises fin juillet ,ses partisans ont envahi le Parlement, y installant depuis samedi un campement. « Les révolutionnaires et les contestataires participant au sit-in doivent rester et poursuivre leur campement jusqu’à la mise en application des revendications », a-t-il martelé.

Pour tenter de trouver une sortie de crise, le Premier ministre Moustafa al-Kazimi, qui expédie les affaires courantes, a proposé un « dialogue national ». « Ne croyez pas les rumeurs selon lesquelles je ne veux pas de dialogue », a assuré mercredi Moqtada Sadr. « Nous avons déjà essayé et vécu le dialogue avec eux, mais il ne nous a rien apporté à nous et à la nation, ne serait-ce que ruine et corruption (…) malgré leurs promesses », a-t-il fustigé.

Rester aux abords du Parlement
Le chef religieux irakien les appelle désormais à se retirer du bâtiment. Mais Moqtada Sadr leur demande toutefois de rester dans la zone verte, quartier sécurisé de la capitale, et de poursuivre leur mouvement. Une déclaration qui est le signe que des négociations ont commencé entre le dirigeant religieux et ses adversaires. Mais le bras de fer se poursuit, estime Hardy Mede, chercheur associé au Centre européen de sociologie et de science politique. Pour lui, « la situation reste pour l’instant bloquée ».
Marsin Alshamary, chercheuse à l’école Kennedy de l’université d’Harvard aux États-Unis, estime quant à elle que « le but ultime de Moqtada al Sadr est de devenir le chef des chiites en Irak ». « Avant cela, tout le monde était très occupé, dans le camp chiite, à s’assurer que le système politique existe et ne soit pas mis en danger par l’essor de l’État islamique ou la menace d’une sécession kurde. Maintenant que cela s’est plus ou moins stabilisé, chacun cherche à devenir aussi puissant que possible. Et il ne veut plus partager le butin avec qui que ce soit du camp chiite », explique-t-elle. Pour la chercheuse, c’est pour cela qu’il essaye de marginaliser les autres partis chiites. « L’autre chose, c’est qu’il ne veut absolument pas voir Nouri al Maliki devenir le chef du camp chiite, c’est son grand ennemi », précise-t-elle.

La mission de l’ONU en Irak a appelé ce mercredi la classe dirigeante à trouver « des solutions urgentes à la crise » à travers le dialogue.

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